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PHBM

L’introduction de l’embouche bovine dans le Haut Bassin du Mandrare : des initiatives convaincantes

jeudi 27 novembre 2008

Le Haut Bassin du Mandrare, une région située au sud de Madagascar, est une zone traditionnelle d’élevage. L’élevage bovin en particulier revêt une importance socio-économique considérable pour la population rurale et l’on compte dans la région 150 000 têtes de zébus pour 120 000 habitants. Le cheptel bovin est avant tout un signe de richesse et de prestige social. Plus une famille possède de zébus, plus elle est respectée et écoutée par la communauté.


Les zébus font partie intégrante de la vie sociale : lors d’un mariage, ils constituent la dot pour la famille de la future mariée ; lors d’un décès, ils sont offerts pour aider financièrement la famille du défunt ou sacrifiés et offerts aux convives ; ils sont aussi utilisés pour régler conflits et litiges. Les zébus ne sont vendus qu’en cas de besoin monétaire très urgent (maladie grave, problème administratif à régler avec les autorités ou autres cas extrêmes). Vendre un zébu à d’autres fins qu’un besoin important de liquidités discrédite son propriétaire aux yeux de la communauté. C’est ce qui explique que le revenu moyen soit de 150 dollars par personne et par an quand un zébu vaut en moyenne à 115 dollars.

Mais l’élevage dans le Haut Bassin du Mandrare est menacé : l’insécurité et les vols quasi-quotidiens de zébus affectent la pratique de l’élevage semi-extensive, et les grandes sécheresses qui touchent le Grand Sud malgache de façon périodique déciment les troupeaux. C’est dans ce contexte qu’a été conçu le projet du Haut Bassin du Mandrare (PHBM), un projet de développement rural financé par le Fonds international de développement agricole qui a oeuvré dans la région de 1995 à 2008. Les actions du projet en matière d’élevage, davantage tournées vers la couverture sanitaire des animaux au cours de ses premières années, ont ensuite cherché à transformer l’élevage traditionnel contemplatif en une activité économique à part entière. La filière bovine est en effet porteuse : les animaux vendus sont majoritairement exportés hors de la zone ou vendus aux bouchers locaux. « L’objectif du projet était d’inciter les éleveurs à déstocker les animaux et à les vendre à temps, explique Benoît Thierry, chargé des programmes de développement rural Madagascar au Fonds international de développement agricole (FIDA). L’idée de base est qu’une exploitation rationnelle du troupeau et de l’ensemble des activités agricoles permettrait aux éleveurs de générer des revenus qui suffiront à racheter des zébus quand un événement social l’exige. »

En créant la Mutuelle du Mandrare Fivoy en 2004, le projet a également donné accès aux éleveurs à un service financier de proximité. L’épargne physique, sous forme de zébus, était auparavant préférée à l’épargne monétaire et les revenus générés par les activités agricoles ou l’élevage de petits ruminants servaient à acheter des zébus pour accroître la taille du troupeau.

Le projet a favorisé les initiatives locales en finançant partiellement, sous la forme de sous-projets, les demandes émanant directement des communautés. Certaines initiatives ont cependant été introduites par le projet lui-même, comme les mini-projets, pilotes d’embouche bovine, initiés en 2006. Les activités d’embouche bovine et les perspectives économiques qu’elles pouvaient offrir ne faisaient pas partie des priorités de développement des éleveurs du Haut Bassin du Mandrare. Pourtant, les éleveurs peuvent obtenir des prix très intéressants avec les animaux engraissés, le gain supplémentaire pouvant osciller entre 50 et 150 dollars par tête. Les agents techniques ont donc du réaliser un long travail de sensibilisation auprès des éleveurs et l’activité a été financée à hauteur de 60 à 70 pour cent par le projet. Le financement comprenait la construction de l’étable suivant des normes appropriées, l’approvisionnement en matériel vétérinaire (seringues, produits de déparasitage) et la dotation en semences fourragères. En contrepartie, les éleveurs fournissaient le bois pour la construction du parc, les chaumes pour le toit, les animaux destinés à l’embouche, environ une dizaine de tête par éleveur et un apport financier entre 30 à 40 pour cent du coût total du mini-projet.

Les éleveurs ont reçu des formations et un encadrement technique en matière de couverture sanitaire, de quantité et de qualité de l’alimentation, de sélection des animaux bons à être vendus et de comptabilité simplifiée pour la gestion financière de l’activité.

Les animaux choisis pour l’embouche doivent être âgés de 1 à 2 ans ou de 5 à 6 ans et la période d’engraissement dure entre 6 mois et 2 ans. La commercialisation est possible après 6 mois mais elle n’est envisageable qu’avec une intensification alimentaire adéquate. En 2006, par exemple, la sécheresse n’a pas permis un apport alimentaire suffisant pour assurer une commercialisation après six mois d’embouche. Le projet a ainsi doté les mini-projets de faucheuses à traction animale pour faciliter l’intensification alimentaire. Ces outils ont permis de faucher de grandes quantités de pâturages naturels, suffisamment abondants dans la zone. Les fourrages étaient alors destinés aux animaux à engraisser ou stockés sous forme de foin en prévision de la saison sèche.

Les résultats obtenus sont prometteurs et encourageants. En plus du gain financier obtenu lors de la vente d’animaux engraissés, les éleveurs obtiennent une différence de plus de 50 dollars en effectuant uniquement un déparasitage correct.

M. Lahimbotsira, éleveur à Sirania a vendu deux têtes. « J’ai pu les vendre à 500 000 Ariary chaque (280 dollars environ), affirme-t-il. C’est maintenant que je suis convaincu et je pense que je vais même devenir un modèle pour les autres ».

Au total, 21 mini-projets pilotes ont été lancés depuis 2006. Il reste maintenant à les consolider avec l’objectif que ces initiatives seront diffusées et répliquées dans la zone. Malgré le fait que les techniques d’engraissement soient encore peu copiées,une vingtaine d’éleveurs ont déjà commencé à commercialiser leurs zébus sans appui du projet. Les actions de la cellule élevage ont en outre été renforcées en travaillant de concert avec la Mutuelle du Mandrare pour sensibiliser les éleveurs aux avantages d’y placer ses épargnes. L’évolution des mentalités et des comportements des agro-éleveurs du Haut Bassin du Mandrare est déjà perceptible et constitue là un des acquis majeurs du projet.

Sylvie Le Guével - Octobre 2007