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Du zébu au livret d’épargne : un pas difficile à franchir pour les éleveurs du Haut Bassin du Mandrare

vendredi 16 octobre 2009

L’élevage bovin et la riziculture rythment la vie agricole dans le Haut Bassin du Mandrare. Les zébus en particulier tiennent une place prépondérante au sein de la société et sont symbole de richesse. Ils constituent la forme d’épargne traditionnelle, participent aux travaux agricoles et au transport des marchandises et trouvent leur place au sein de tout événement social comme les mariages, les funérailles et les cérémonies traditionnelles.


Le cheptel bovin est estimé à 150 000 têtes environ quand la zone compte seulement 120 000 habitants. Mais la famine de 1991 a dramatiquement réduit le cheptel et les activités d’élevage se sont fortement dégradées dans les années qui suivirent. Les troupeaux ont été décimés par les années de sécheresse successives, les maladies et les vols de bétail. Lancé en 1996 par le gouvernement de Madagascar, le Projet du Haut Bassin du Mandrare, financé par un prêt du Fonds international de développement agricole (FIDA), s’est donné pour objectif de remettre sur pieds le secteur de l’élevage.

La santé d’abord

« A la crise alimentaire du début des années 90 s’est ajouté la privatisation des services vétérinaires en 1994, qui a entraîné une chute des taux de vaccination bovine et une augmentation de la mortalité, explique Benoît Thierry, chargé du programme de Madagascar au FIDA. Les premières quatre années, le projet s’est donc concentré sur l’amélioration de la couverture sanitaire des bovins et la facilitation des campagnes de vaccination. »

Au total, 23 couloirs de vaccination ont été construits dans les quatre communes de la zone d’intervention et le projet a constitué des associations éleveurs pour assurer la gestion et la bonne fonctionnalité de ces couloirs. Dans chaque association deux vaccinateurs ont été choisis par les membres et formés par un vétérinaire pour pratiquer et organiser les campagnes de vaccination. Les résultats ne se sont pas fait attendre : 140 000 bovins sont vaccinés et le taux de mortalité est passé de 10 pour cent en 1996 à 5 pour cent en 1999. Le travail sur la couverture sanitaire a continué au cours des années suivantes, durant lesquelles le projet est passé en deuxième phase et a étendu sa zone d’intervention de 5 à 11 communes.

Le maillage de la zone par les couloirs de vaccination s’est poursuivi avec la construction de 44 couloirs supplémentaires, autant de nouvelles associations d’éleveurs et la formation de 88 vaccinateurs villageois. Afin de structurer davantage la fonction de vaccination, 11 vaccinateurs communaux, ou agents communautaires de santé animale (ACSA), ont été choisis parmi les vaccinateurs communaux. servent d’interface entre le vétérinaire responsable des campagnes de vaccination et les vaccinateurs villageois.

Depuis le début de la seconde phase, les taux de vaccination dans les 6 communes supplémentaires sont passés de 40 pour cent à plus de 80 pour cent aujourd’hui et le taux de mortalité est inférieur à 3 pour cent. « Les éleveurs sont absolument conscients des avantages apportés par le projet, assure M. Makadody, vaccinateur communal à Elonty. Par exemple, la maladie du charbon qui tuait les zébus a disparu. Je suis convaincu que les activités se poursuivront même après le départ du projet. »

Pour compléter la couverture sanitaire du cheptel, des efforts ont été déployés pour réduire les taux de mortalité dus aux parasites internes et externes. Le projet a ainsi fait construire deux bains détiqueurs pour bovins et 21 bacs détiqueurs pour petits ruminants, qui malheureusement restent inutilisés : les éleveurs estiment que les coûts liés à la première utilisation sont trop élevés, sans toutefois se rendre compte de l’importance des dégâts causés par les parasites sur les troupeaux. Enfin, pour faciliter l’approvisionnement des éleveurs en produits vétérinaires, le projet a construit 5 points de ventes d’intrants vétérinaires et assuré la formation des vendeurs.

Les zébus restent les plus populaires

Au cours de la seconde phase, l’attention du projet s’est également portée sur la diversification des activités d’élevage, mais avec des résultats bien moins concluants. Les tentatives d’introduction de l’apiculture améliorée, de la rizipisciculture et de l’élevage d’ânes ont dû être abandonnées. Certains projets d’aviculture améliorée se poursuivent cependant quand des débouchés existent localement pour les productions. La tentative de création d’une lignée de pure caprins Angora après croisement avec les races locales se poursuit à Ebelo.

Du champ au marché

Entre 2004 et 2005, le projet s’est intéressé à l’amélioration des activités d’élevage à fort potentiel commercial. Les efforts se sont d’abord déployés sur l’amélioration de l’élevage de petits ruminants. Le projet a ainsi financé 82 mini-projets visant à améliorer la conduite d’élevage dans les domaines de la santé animale, reproduction, alimentation, habitat et la commercialisation. L’un des grands avantages de ces activités est d’arriver à cibler les populations vulnérables qui n’ont pas assez de ressources pour se consacrer à l’élevage de bovins.

En second lieu, le projet a mis sur pied 21 mini-projets d’embouche bovine. Malgré la réticence initiale des éleveurs à transformer leur élevage traditionnel en une activité commerciale, ceux-ci ont fini par adhérer à l’initiative lorsqu’ils ont pu constater les gains obtenus par les éleveurs participants, soit plus de 50 dollars par tête vendue. L’amélioration de la conduite comprenait une vaccination et un déparasitage systématique des animaux destinés à l’embouche, une amélioration de leur alimentation grâce à l’introduction de plantes fourragères et à une amélioration de l’habitat. Ces activités étaient complétées par des actions de sensibilisation des éleveurs visant à déstocker le cheptel bovin très important dans la zone.

Les zébus représentent main d’oeuvre, épargne et prestige dans le Bassin du Haut Mandrare et changer les mentalités est avant tout une affaire de temps. Beaucoup d’éleveurs ont encore du mal à concevoir l’épargne monétaire, moins tangible que la possession de zébus, mais cette évolution est importante dans la mesure où elle permettrait aux éleveurs de sécuriser, au moins en partie, leurs avoirs. La Mutuelle du Mandrare, une institution locale de microfinance, collabore étroitement à ce travail de sensibilisation. Enfin, l’installation d’un marché à bétail dans la commune de Tsivory permettra aussi de dynamiser la filière bovine.

Sylvie Le Guével