PPRR
vendredi 5 octobre 2012
L’indication géographique (IG) est un signe utilisé au niveau international pour protéger le nom et l’authenticité d’un produit. Développé à l’origine en France, ce signe jouit d’une réputation grandissante et de plus en plus approprié par les pays en développement. C’est pourquoi afin d‘en évaluer le potentiel à Madagascar, le PPRR a choisit d’effectuer une étude préliminaire sur les potentialités de la filière curcuma. En effet, c’est une réflexion innovante à Madagascar que le Programme cherche à approfondir afin de comprendre les opportunités que les IG peuvent offrir au pays.
Qu’est-ce qu’une indication géographique (IG) ?
« Indication géographique » est un terme générique applicable à des produits d’origine qui sont ou non reconnus et protégés. Reconnues légalement, les IG deviennent des signes officiels ou labels publics, qui bénéficient de la protection de la propriété intellectuelle.
Cette protection publique constitue un outil de développement, au service des gouvernements et des acteurs de la filière, dont les objectifs sont multiples :
Ce signe bénéficie de la reconnaissance de l’OMC suite à l’accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, 1994), sous condition que des moyens légaux de protection des IG soient mis en place dans les législations des États membres.
Les indications géographiques sont définies comme étant « des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique » [AFD, FFEM ; 2010].
Les produits concernés
Les IG s’adressent à des produits dotés de caractéristiques spécifiques liées à un lieu, un savoir-faire collectif et une tradition. Cela concerne aussi bien des produits alimentaires, artisanaux ou cosmétiques, transformés ou non. Le lien avec l’origine se définit autour de trois notions (savoir communs, AFD) :
La protection juridique des IG et état des lieux à Madagascar
En 1994, les accords sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ont été signés à l’OMC par les états membres. Les IG sont donc reconnues par l’OMC. Les ADPIC ne prévoient pas de système légal spécifique de protection des IG mais seulement l’obligation pour ses pays membres de fournir les moyens légaux pour empêcher l’utilisation frauduleuse des IG.
Les pays peuvent satisfaire ces obligations soit au travers de leur législation existante en matière de propriété intellectuelle (marque collective ou de certification), de protection du consommateur ou de concurrence, soit par la mise en œuvre d’une législation dédiée à une protection spécifique des IG appelé système sui generis.
Ce système est mis en place au niveau de l’Union européenne (UE). Au sein de l’UE, les IG sont réglementées séparément des marques de fabrique ou de commerce et elles bénéficient d’une protection publique sans recours à la législation sur la propriété intellectuelle.
En fonction de la protection juridique des IG dans un pays donné, les IG peuvent être considérées soit comme des protections soit comme des outils pour une politique de qualité produit.
Certains États décident de mettre en place un cadre juridique sur une simple transposition des ADPIC. Ceci leur permet d’enregistrer les IG au niveau national. Ainsi, les produits d’origine sont protégés des usurpations de nom et des fraudes qui utiliseraient la réputation de ces produits.
D’autres États (Cambodge, Union européenne, etc.) ont décidé de créer leur propre cadre juridique. Un enregistrement de l’IG s’accompagne de la mise en place d’un organisme de défense et de gestion (ODG) de l’IG, de la rédaction d’un cahier des charges, d’un plan de contrôle et d’une certification par un organisme tiers.
Il est à noter que l’Union Européenne a ouvert aux pays tiers son système d’enregistrement des IG dans le cadre d’accord bilatéral. Cette certification s’accompagne de l’obtention d’un label IGP (Indication géographique protégée).
Pour obtenir le label IGP, il faut :
L’avantage de l’IGP est qu’elle bénéficie déjà d’une reconnaissance et de la confiance des consommateurs européens.
À Madagascar
Actuellement, le cadre réglementaire protégeant les IG à Madagascar est en construction. La structure en charge de l’enregistrement des IG est l’Office malgache de la propriété industrielle (OMAPI). Cette structure est rattachée au Ministère de l’Industrie de Madagascar et est sous la tutelle de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), basée à Genève.
Pour l’instant, les produits d’origine peuvent être protégés par le système des marques collectives grâce à l’Ordonnance n°89 019, instituant un régime pour la protection de la propriété intellectuelle. Or, cette protection n’est pas appropriée aux IG telles qu’elles sont définies par les ADPIC. Pour se mettre en accord avec ces derniers, le gouvernement malgache, via l’OMAPI, a engagé une réforme de cette ordonnance. Dans la nouvelle loi, un chapitre entier sera consacré aux IG.. Ce texte de loi est aujourd’hui en attente de promulgation. Les décrets définiront les conditions d’application des IG à Madagascar.
La mise en place d’un cadre légal et institutionnel adéquat pour la reconnaissance, la réglementation et la protection de l’IG nécessite ainsi la mobilisation des pouvoirs publics.
Potentialités d’une IG sur la filière curcuma
Les potentialités IG d’un produit doivent être mises en évidence au travers d’une étude filière. Pour caractériser l’aval de la filière curcuma, l’étude s’est principalement effectuée au sein de la commune d’Anivorano de Brickaville. Cette zone se différencie des autres car on y retrouve cette culture de façon principale et représente la majeure source de revenu pour l’ensemble des producteurs. (voir l’étude de cas : La commercialisation du curcuma de la commune d’Anivorano-Est, District de Brickaville, Région d’Atsinanana)
Opportunités de marché
Suite à la mise en évidence des propriétés médicinales du curcuma ces dernières années par de nombreux travaux de recherche, la demande sur le marché européen est en plein croissance. C’est un produit d’intérêt pour les industries agroalimentaires, textiles, cosmétiques et pharmaceutiques
Le marché mondial est actuellement dominé par l’Inde en tant que principal consommateur, producteur et exportateur de curcuma. La production de curcuma indien couvrait 70% des exportations mondiales de curcuma en 2007. Or, il se trouve que la réputation du curcuma de ce pays a été endommagée suite au scandale d’ajout d’un colorant cancérigène, le rouge Soudan. Cette découverte a eu un impact majeur sur la filière curcuma puisse qu’il est maintenant obligatoire d’obtenir le certificat des tests de Soudan à l’exportation. Ce scandale représente une opportunité pour la mise en place d’une IG curcuma à Madagascar se différenciant par son origine.
Le segment de marché visé par une IG curcuma serait celui des épices. La différenciation de produit par leur origine est actuellement en vogue dans les épiceries fines, et les consommateurs européens sont très friands d’aliments ayant des propriétés bénéfiques sur la santé.
De plus, de nombreux exportateurs d’épices pour ce marché sont présents sur la côte est de Madagascar. Leurs importateurs les sollicitent de plus en plus afin de se procurer du curcuma, et pour qu’ils puissent ainsi proposer une gamme complète d’épices
Les IG assurent aux acheteurs que le produit provient bien d’une origine géographique déterminée et qu’il a été réalisé selon des pratiques définies et contrôlées. Ainsi, en fonction du cahier des charges défini, il est possible que la qualité du produit soit jugée inadaptée par les industries pharmaceutiques ou cosmétiques dont les attentes sont bien spécifiques. Pour ce segment de marché, il est possible que la certification agriculture biologique soit plus pertinente.
Réputation
La côte est de Madagascar jouit d’une réputation internationale comme ayant un excellent terroir et notamment pour ses épices. Ce sont plutôt des épices comme la vanille ou le girofle qui sont vraiment associées, mais cela induit des retombées positives sur l’image qu’ont les consommateurs sur les autres épices du pays.
Au sein des exportateurs d’épices, la zone de Brickaville est relativement connue pour son curcuma, que l’on retrouve en plus grande quantité qu’ailleurs. Par contre, au niveau national, le curcuma est souvent confondu avec le curry, mélange d’épices plus fréquemment utilisé à Madagascar. Une IG peut permettre d’apporter des connaissances sur cette épice au sein même du pays.
Ancrage historique et économique
Dans la commune d’Anivorano Est, on trouve du curcuma à l’état sauvage depuis plusieurs siècles. C’est depuis le début des années 80 que les producteurs ont pris conscience du potentiel de l’épice et qu’elle y est cultivée à des fins commerciales. En 2011, environ 90% des producteurs de la commune d’Anivorano Est cultivent du curcuma, c’est-à-dire environ 400 producteurs. C’est la zone à Madagascar où il y a une production de curcuma aussi concentrée.
Cette culture a un ancrage économique prépondérant puisqu’elle représente la principale source de revenu pour les ménages. La période de récolte coïncidant juste avant le début de l’année scolaire, le revenu de la vente du curcuma permettent généralement d’assumer les frais de scolarité des enfants.
De plus, étant donné qu’elle nécessite l’embauche de main d’œuvre pour sa production et sa transformation, l’économie de la commune perçoit à tous les niveaux les bénéfices de cette production.
Qualité du produit
À Madagascar, les principaux acheteurs de curcuma souhaitent acheter du curcuma frais ou en lamelle séchées. Cette décision leur permet d’être certain de la qualité du produit final en poudre et de pouvoir garder à leur niveau les retombées économiques induites par la valeur ajoutée de cette dernière transformation. En effet, le marché final est exigeant en terme de qualité et on retrouve fréquemment du curcuma en poudre mélangé avec de la poudre de maïs par exemple.
Pourtant, les producteurs de la commune avaient l’habitude de réaliser cette dernière transformation. Or, la demande pour du curcuma en poudre étant faible, ils ne peuvent pas profiter de cette valeur ajoutée. Ce travail étant majoritairement du ressort des femmes son impact au sein de la population est important. Dans les objectifs du Programme de promotion des revenu ruraux (PPRR), la mise en place d’une IG curcuma, grâce à la définition du cahier des charges et au système de contrôle, permettrait de rétablir la confiance des exportateurs et de conserver cette valeur ajoutée au niveau des producteurs.
Action collective
L’IG doit être le fruit d’une réflexion collective de l’ensemble des acteurs de la filière. En effet, un organisme de défense et de gestion (ODG) doit être créé de façon représentative des acteurs de la filière. Sa mission est d’initier, de porter et de gérer la demande d’une IG. Ainsi, il doit élaborer le cahier des charges, veiller à son application par la mise en place d’un système de contrôle et de traçabilité et promouvoir le produit au niveau national et international.
La difficulté dans la construction de cet ODG se situe généralement au niveau du regroupement des producteurs, notamment pour assurer la prise en compte de leurs intérêts. Dans le cas de la filière curcuma, l’aspect coopératif a été appuyé depuis 2009 par le PPRR dans la commune d’Anivorano Est. Ainsi, les producteurs sont regroupés en organisation paysannes adhérentes à la Coopérative multiproduits Mitsinjo. Cette coopérative bénéficie du support de la Confédération des coopératives de Tsimisara-Mivoatra. C’est un atout extrêmement important que l’aval de la filière soit déjà structuré.
Conclusion
Ainsi, au vu des éléments recueillis, le curcuma serait un produit éligible pour une IG à Madagascar. Cependant, la filière doit continuer à suivre une orientation vers la promotion d’un curcuma de qualité afin de répondre à la demande du marché identifié.
Par ailleurs, l’IG pourra représenter un outil de développement de la filière que si ces trois points sont réunit : une action collective autour d’un organisme de défense et de gestion (ODG), la rédaction collective d’un cahier des charges et la mise en place d’un plan de contrôle et de traçabilité. Si c’est le cas, cette certification présente de multiples bénéfices, tels que :
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