PHBM
jeudi 27 novembre 2008
Dans la région du Haut Bassin du Mandrare comme ailleurs dans le sud de Madagascar, les femmes ont longtemps souffert d’un manque de reconnaissance et de considération au sein de la société. Le projet du Haut Bassin du Mandrare (PHBM), un projet de développement rural financé par le Fonds international de développement agricole, a, depuis sa deuxième phase initiée en 2001, mis l’accent sur la participation active des femmes dans la prise de décision communautaire, en investissant dans leur formation et une plus grande autonomisation.
Ainsi, les femmes du Haut Bassin du Mandrare ont, depuis 2006, un service financier qui leur est dédié. Innovation phare de l’ONG Freedom from Hunger, le crédit avec éducation (CAE) a été mis en place en appui aux activités du PHBM pour permettre aux femmes d’accéder au crédit tout en bénéficiant de conseils et d’un suivi professionnel de leurs activités. Des séances d’animation et d’éducation hebdomadaires, assurées par un conseiller spécialisé, accompagnent chaque demande de crédit.
Introduit par la Mutuelle du Mandrare pour sa clientèle féminine ce service fonctionne comme un crédit solidaire. Cette méthodologie, développée par la Grameen Bank au Bangladesh, a pour but de permettre aux individus les plus pauvres, ceux qui n’ont ni dépôt, ni garanties, à accéder au crédit bancaire.
Son principe est simple : pour compenser l’absence de garanties matérielles, les emprunteurs se constituent en groupes de quatre à six personnes et se portent « caution solidaire ». Si l’un des membres du groupe ne rembourse pas son crédit, les autres doivent rembourser à sa place.
Les candidates au crédit avec éducation doivent cependant suivre un rigoureux processus de formation avant de toucher leur premier prêt. Elles commencent par constituer un groupe de solidarité de quatre à six femmes. Entre quatre et six de ces groupes forment ensuite une association de crédit représentée par un comité de gestion. Chaque groupe nomme une représentante pour le comité de gestion, dont le rôle est d’encadrer les membres et de compléter les documents de gestion de l’association de crédit, comme le livret d’enregistrement des remboursements et de l’épargne de chaque membre.
Tous les membres participent à un programme de formation d’une demi-journée par semaine pendant cinq semaines et sont tenues de faire un dépôt d’épargne. Ce n’est finalement qu’à partir de la sixième semaine que les membres sont enregistrés et que le prêt est distribué individuellement à chacune des participantes. Cette phase préalable permet d’aborder la notion de crédit avec des femmes généralement méfiantes vis-à-vis des services financiers et d’identifier celles qui tireront un réel avantage du crédit avec éducation.
Quant aux remboursements, ils se font en commun, de façon hebdomadaire. Lors des deux premiers cycles, une conseillère encadre les emprunteuses chaque semaine lors de leurs réunions de remboursement. L’encadrement devient ensuite bimensuel, puis mensuel à partir du cinquième cycle. Ce suivi et cet encadrement permettent aux femmes d’acquérir l’habitude des remboursements et de comprendre l’utilité de l’épargne. C’est une étape importante dans la mesure où c’est la première fois que ces femmes accèdent à un crédit.
Mais il y a plus. L’originalité du crédit avec éducation consiste en ce que les participantes bénéficient de nombreuses formations et de séances d’éducation, dispensées lors des réunions de remboursement du crédit. Ces séances sont conçues pour répondre à trois objectifs : améliorer la santé, renforcer l’entreprise et développer la confiance en soi. L’amélioration de la santé passe par l’éducation sur la vaccination des enfants, la planification familiale, la prévention et le traitement des maladies les plus répandues - telles que les diarrhées, le paludisme ou le VIH/sida - l’allaitement maternel et l’alimentation du nourrisson et de l’enfant. Ces séances, intitulées « savoir pour sauver », sont alternées par des formations qui concernent la vie de l’entreprise et la gestion économique de l’activité productive. Elles abordent la création d’entreprise, la comptabilité et les outils d’études de marché pour maximiser les profits. Enfin, c’est tout au long du cycle de crédit et grâce au développement d’activités qui récompensent leurs efforts que les femmes développent la confiance en soi.
De nombreuses discussions animent chaque séance et une participation active des membres du groupe est sollicitée afin de faciliter l’apprentissage. Pour les deux premiers cycles de crédit, 16 séances d’éducation sont dispensées aux emprunteuses, suivies de huit autres séances bimensuelles. A partir du cinquième cycle, les réunions sont mensuelles et les emprunteuses sont suffisamment autonomes pour être en mesure de gérer seules leurs remboursements et leurs activités.
Les participantes au crédit avec éducation sont donc rapidement à mêmes de gérer et d’améliorer leur activité économique, et de réagir en cas de problème de santé. Leur autonomie financière nouvellement acquise s’accompagne alors dans la plupart des cas d’une meilleure reconnaissance du rôle des femmes au sein du foyer.
« Les nouvelles connaissances que nous acquérons en matière de santé sont très importantes et peuvent être appliquées au quotidien à la maison », explique Mme Josia, membre du groupe de solidarité Mahatoky (confiance). Mme Josia a tiré avantage des formations sur la gestion de l’entreprise en développant son activité d’épicerie. « Nous divisons généralement le crédit en deux ou trois parts qui financent les différentes activités que nous entreprenons, précise une autre membre. Le crédit solidaire fonctionne très bien et nous permet de nous entraider entre nous ».
Généralement, le crédit sert à financer des activités à cycle court et génératrices de revenus, comme la collecte des produits locaux, le stockage et la revente de riz ou d’arachide, le petit élevage, la vente de charbon ou de bois mort, la culture de légumes et la mise sur pied de gargotes ou de petites épiceries.
Chaque cycle de crédit dure quatre mois, à raison de cinq pour cent d’intérêts mensuels, soit vingt pour cent d’intérêts par cycle. Les montants évoluent à chaque cycle : le prêt initial est de 60 000 Ariary (environ 33 dollars), somme qui pourra augmenter de moitié à chaque nouvel emprunt si les besoins l’exigent.
Les emprunteuses sont tenues de mettre de côté une petite épargne. En général, ce sont 600 à 1 000 Ariary (0,33 à 0,56 dollars) qui sont mis de côté chaque semaine, mais certaines arrivent à épargner jusqu’à 10 000 Ariary par semaine (5 dollars environ). Cette épargne permet de constituer une réserve d’argent en cas de besoin urgent et n’est que très rarement utilisée pour pallier à une difficulté de remboursement.
Les activités génératrices de revenus sont saisonnières. Elles fonctionnent très bien en période de récolte, pendant les mois de mai à octobre. Le reste du temps, ces femmes sont aussi rizicultrices et certaines utilisent même d’autres services financiers de la Mutuelle du Mandrare, comme le grenier commun villageois qui permet de réaliser des bénéfices en stockant le riz et en le revendant quand les prix sont plus intéressants.
Si le succès du crédit avec éducation n’est plus à démontrer, le concept a suscité beaucoup d’hésitations à son démarrage. Les doutes se sont dissipés dès que la première association de crédit a obtenu son premier prêt et de nouveaux groupes de solidarité se sont immédiatement créés dans son sillage. En un an, l’encours du crédit a doublé. Il est passé de 15 990 450 Ariary (8 960 dollars) en août 2006 à 30 436 604 Ariary (17 050 dollars) en août 2007. De mars à novembre 2006, le taux de remboursement était de 100 pour cent, mais il a chuté à 85 pour cent en raison des difficultés rencontrées en 2006. La sécheresse n’a notamment pas permis de faire fonctionner les activités de façon optimale et certains crédits ont été détournés pour la consommation alimentaire. « Lorsque le crédit n’est pas détourné, insiste Mme Josia, nous nous en sortons largement ! »
Le crédit avec éducation est devenu l’un des produits phares de la Mutuelle du Mandrare. Plus de 104 905 000 Ariary (58 770 dollars environ) ont été empruntés depuis sa création et l’on compte aujourd’hui 754 membres. Les neuf caisses de la Mutuelle du Mandrare ont chacune une conseillère et, étant donné son succès, ce service financier va être reproduit dans les autres caisses du réseau FIVOY de la région d’Anosy.
Le crédit avec éducation est aujourd’hui diffusé dans plus d’une vingtaine de pays en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Sylvie Le Guével - octobre 2007
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