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Irriguer pour mieux cultiver : la réussite du Haut Bassin du Mandrare

L’expérience de 12 années d’intervention du PHBM

jeudi 27 novembre 2008

Lorsque le gouvernement de Madagascar, avec l’appui financier du Fonds international de développement agricole (FIDA) lance le Projet du Haut Bassin du Mandrare en 1996, la production rizicole de la région est à peine suffisante pour nourrir la population locale. Autrefois connue comme le « grenier à riz » des régions Anosy et Androy, la région avait désormais largement perdu son rôle d’exportateur de riz.


« La productivité de la région avait chuté considérablement au cours des années ’90, explique Benoît Thierry, chargé du programme de Madagascar au FIDA. La région, très enclavée, a beaucoup souffert lors des sécheresses de 1991 et 1992 et la crise alimentaire a frappé de plein fouet les habitants de la région. »

Les périmètres irrigués aménagés pendant l’époque coloniale étaient très dégradés, malgré quelques opérations ponctuelles de réhabilitation dans les années 1980-1990 et les quelques grands périmètres sous contrôle de l’administration locale n’étaient pas gérés correctement. Les petits périmètres traditionnels aux niveaux villageois ou familial étaient, quant à eux, peu efficaces en raison des barrages sommaires formés de rochers, d’argile et de branchages. Enfin, il n’existait aucune organisation formelle d’usagers de l’eau capable de veiller au bon fonctionnement des réseaux hydroagricoles ou d’assurer une utilisation optimale des ressources en eau.

« Les superficies cultivées étaient minimes par rapport au potentiel irrigable de la zone, continue Thierry. En 1996, on ne comptait que 1 061 hectares de superficies irrigables alors que les cinq sous-bassins qui alimentent le Mandrare, l’un des principaux fleuves du Grand Sud malgache, et les sols fertiles des vallées sont très propices à la riziculture irriguée. » De plus, la pluviométrie, oscillant entre 800 et 1100 mm les années normales, est d’un niveau exceptionnellement bas dans le Grand Sud de Madagascar, région la plus aride de la Grande Ile.

La priorité : diffuser les techniques d’irrigation L’un des objectifs premiers du projet du Haut Bassin du Mandrare a donc été de restaurer la capacité productive de la zone afin de contribuer à l’objectif national d’autosuffisance en riz. Une grande part des investissements réalisés par le projet pendant la première phase (de 1996 à 2001) a donc concerné la réhabilitation des réseaux hydroagricoles dans les quatre communes de sa zone d’intervention : Tsivory, ELonty, Mahaly et Marotsiraka. Au total, 32 périmètres couvrant 2 529 hectares ont été réhabilités, ce qui a augmenté de 1 501 hectares les superficies cultivées. Le potentiel irrigable des communes auxquelles s’est étendu le projet dans sa deuxième phase, à partir de 2001, n’était pas aussi important que dans les quatre premières mais 39 micro-périmètres ont tout de même été aménagés, pour une superficie totale de 2 612 hectares. Au final, les superficies irrigables ont presque été multipliées par cinq, passant de 1 061 hectares en 1996 à 5 220 hectares en 2007.

La protection biologique des aménagements hydroagricoles a été entreprise par la cellule Environnement du projet. Les berges ont été renforcées avec du vétiver, et l’érosion des sols et l’ensablement des réseaux sont contrôlés par des plantations de sisal et d’eucalyptus. Ces mesures de protection n’ont toutefois pas été généralisées à l’ensemble des réseaux en raison du manque de mobilisation des usagers.

Les associations d’usagers de l’eau, garants de la durabilité des activités Les activités du projet ne se sont pas résumées au financement des travaux d’aménagement et de réhabilitation. Il a en effet fallu organiser les communautés autour de ces infrastructures productives. Au total, 74 associations d’usagers de l’eau se sont constituées pour assurer le bon fonctionnement des réseaux aménagés. Par ailleurs, le projet a appuyé de nombreux petits groupements informels. Les associations des usagers de l’eau, constituées avec l’appui du projet, ont été encadrées jusqu’à atteindre le niveau d’autonomie souhaité pour assurer la pérennité des réseaux hydroagricoles du Haut Bassin du Mandrare.

Ces associations sont aujourd’hui fonctionnelles et dotées de statuts, de bureaux représentatifs et d’un règlement intérieur. Les membres sont capables d’effectuer tous les travaux d’entretien avant chaque campagne agricole, notamment la réfection des berges ou le curage des canaux, et leurs cotisations servent à financer des travaux plus importants, comme la réparation des dégâts sur les infrastructures ou l’agrandissement du périmètre.

Des spécialistes de la gestion des réseaux hydroagricoles ont été formés par le projet pour assurer la gestion de l’eau d’irrigation : 63 gardes vannes, 68 policiers des réseaux, 36 animateurs agricoles, et des délégués villageois. Ils sont chargés du bon fonctionnement des réseaux, de l’animation des membres pour la réalisation des travaux d’entretien, du contrôle et du respect du règlement par tous les membres. Depuis la fin du projet, les associations sont désormais autonomes et entièrement responsables de la gestion des réseaux hydroagricoles devant l’administration locale.

Parallèlement aux travaux de réhabilitation des périmètres et à la structuration des communautés locales, le projet a consacré des efforts importants à la mise en valeur des périmètres, en introduisant notamment de meilleures pratiques agricoles applicables à la riziculture irriguée. Ainsi, plus de 400 mini-projets rizicoles ont été appuyés par les équipes du projet pour augmenter la productivité en vulgarisant le système de riziculture amélioré. La diffusion de ce système a atteint entre 35 et 70 pour cent des parcelles irriguées selon les périmètres et permis d’augmenter les rendements de plus d’une tonne par hectare depuis 2002. Certains paysans primés aux concours agricoles régionaux ont ainsi pu participer aux concours nationaux.

Aujourd’hui, la production de riz atteint 22 000 tonnes en année normale. Malgré la sécheresse de 2006, où il n’est tombé que 346 millimètres de pluie, la production a atteint 13 000 tonnes quand en 2002 elle n’atteignait que 10 900 tonnes. La zone est aujourd’hui autosuffisante en riz et a retrouvé sa capacité exportatrice.

Des cultures maraîchères en complément Afin de valoriser au mieux toute l’eau disponible, le projet a également privilégié les cultures maraîchères qui bénéficient de marchés porteurs. Plus de 400 mini-projets de cultures maraîchères ont été appuyés par le projet. Les bénéficiaires, surtout des femmes et des jeunes, profitent des canaux d’irrigation où l’aménagement de parcelles rizicoles est impossible pour y installer leurs plates-bandes : l’eau d’irrigation est ainsi directement puisée dans les canaux à l’aide d’arrosoirs et de motopompes. Par ailleurs, les rizières sont mises en valeur avec les cultures maraîchères en contre-saison, quand l’eau n’est plus suffisante pour la culture du riz.

Le nombre de producteurs a ainsi doublé en deux ans : la production d’oignon a triplé et atteint 320 tonnes, alors que la production d’ail a doublé et atteint 160 tonnes en seulement deux ans. Ces cultures très rémunératrices sont même parfois préférées à au riz de première saison, dont la culture devient très aléatoire avec l’insuffisance des pluies.

La sécurité alimentaire des populations du Haut Bassin du Mandrare est aujourd’hui assurée. La capacité productive de la zone est restaurée et le Haut Bassin du Mandrare retrouve peu à peu son rôle de « grenier alimentaire » de l’extrême sud de Madagascar. L’eau d’irrigation, valorisée par l’introduction des cultures maraîchères, devra à l’avenir connaître une optimisation de son utilisation, les années sèches devenant de plus en plus fréquentes. Une meilleure maîtrise de l’eau disponible, en perfectionnant davantage les pratiques agricoles, permettra de continuer à exploiter les 5 220 hectares aménagés grâce à l’intervention du projet.

Sylvie Leguevel.