PADANE
lundi 15 décembre 2008
À Madagascar, comme dans le reste du monde en développement, les femmes acquièrent lentement un pouvoir économique croissant grâce à leur participation progressive à de nouveaux projets. Elles se sont déjà révélées être des gestionnaires extrêmement consciencieuses, parfois supérieures à leurs homologues masculins. En dépit toutefois de ce progrès apparent, elles demeurent sous-représentées dans l’économie locale et ignorent bien souvent les opportunités qui s’offrent à elles.
Dans l’ensemble, les femmes se sont montrées particulièrement réceptives aux offres de microfinancement mises en place dans les derniers projets du FIDA, prenant l’initiative de participer à de nouveaux programmes lorsque la possibilité leur en était donnée. Ainsi, elles ont pris une part active aux diverses opérations du projet PADANE, qui vient de s’achever dans la région nord-est de SAVA et avait pour objectif d’améliorer la situation des petits producteurs de vanille par le renforcement du traitement de la vanille et l’établissement d’un système de coopérative de crédit.
En ce qui concerne la participation financière, elles ont représenté près de 30 pour cent des 17 500 adhérents de la coopérative de crédit et ont bénéficié d’un cinquième des prêts accordés. La même situation a été observée dans la région sud où, grâce au projet du Mandrare, actuellement en cours d’exécution, le bassin du fleuve Mandrare est devenu le grenier à riz de l’ensemble de la région, et où une coopérative de crédit a aussi été créée. À ce jour, 20 pour cent au moins des adhérents de la coopérative de crédit sont des femmes, mais le nombre total de ses membres doit encore augmenter.
Les femmes se sont aussi révélées être des gestionnaires efficaces. Dans la région, jusqu’à 30 pour cent d’entre elles dirigent une exploitation agricole. Elles ont su particulièrement bien tirer parti de la coopérative de crédit, se sont montré bonnes épargnantes, et ont fait preuve d’un grand degré de maturité dans la conduite de leurs affaires.
Une femme à la coopérative de crédit
Les femmes sont aussi devenues des participantes actives dans les organisations d’agriculteurs mises en place par les divers projets. Ainsi, dans le cadre du projet PADANE qui a permis la création de plus de 400 associations professionnelles, les femmes représentent environ 27 pour cent des adhérents, quelque 10 000 membres au total.
En dépit des progrès récemment observés, le rôle des femmes dans la société rurale reste relativement traditionnel. Lorsqu’on les interroge sur leur vie quotidienne, les femmes malgaches répondent qu’à l’exception d’une ou deux communautés, la répartition des tâches entre les hommes et les femmes est bien définie. Elles tiennent le ménage, préparent les repas de la famille, s’occupent des enfants et vaquent aux travaux des champs les moins durs, par exemple la corvée d’eau, le désherbage et les semis. Parfois, mais moins souvent que les hommes cependant, elles se rendent également au marché afin de se tenir informées.
Pour compléter les revenus de la famille, les femmes exécutent traditionnellement divers travaux, par exemple elles tressent des paniers qu’elles vendent au marché, et quand la famille n’arrive plus à subvenir à ses besoins, elles cherchent un emploi agricole salarié. Dans de nombreuses communautés, mais pas toutes, les hommes gèrent encore l’argent de la famille et décident des dépenses.
« Nous ne produisons pas assez de riz pour toute l’année. Je dois tresser des paniers pour compléter notre revenu. Je peux confectionner une sobika (panier tressé) par jour, qui me rapporte 500 ariary. De temps en temps, j’ai l’aide de ma fille » déclare Marie Rose, une mère de quatre enfants habitant la commune de Fanjakana, dans la région du haut Matsiatra. Son mari est charpentier et ils demeurent dans une petite maison à deux étages. Elle cultive du riz, ainsi que du manioc et des légumes en dehors de la saison du riz.
Par rapport à la norme locale, sa situation n’est pas mauvaise. Beaucoup d’autres vivent dans une pièce, ont une famille plus nombreuse, une petite rizière, et seulement quelques animaux de ferme : poulets ou cochons.
Pour de petits travaux agricoles, le salaire est de l’ordre de 600 ariary par jour (1USD = 2 000 ariary) ; par comparaison, une course de 60 km en taxi-brousse pour aller en ville coûte de 7 000 à 10 000 ariary. Le travail agricole salarié est souvent l’occasion pour les femmes d’apprendre de nouvelles techniques, qu’elles n’appliquent cependant jamais de retour chez elles, en raison de la réticence de leurs maris qui préfèrent malheureusement s’en tenir aux méthodes traditionnelles.
En général, les femmes aspirent à se marier, avoir des enfants et travailler aux côtés de leur mari pour nourrir la famille. Les jeunes filles se marient très tôt à Madagascar, souvent vers l’âge de douze ans (quatorze ans pour les garçons), et ont leur premier enfant vers quatorze ans. Les femmes expliquent aussi que dès l’âge de neuf ans, les enfants doivent pourvoir eux-mêmes à leur habillement, si bien que beaucoup cherchent quelque emploi, et qu’il y a même « des jeunes femmes qui n’hésitent pas à passer la nuit avec un homme pour gagner de l’argent ».
D’une manière générale, les mariages sont célébrés selon la tradition et ils ne sont pas enregistrés auprès des autorités locales. De même pour la maternité : la plupart des femmes accouchent chez elles avec l’aide d’une sage-femme non diplômée parce que la maternité est éloignée et coûte cher. C’est là un problème général à Madagascar où, de ce fait, le gouvernement a de la difficulté à tenir un registre d’état civil. Or, les enfants dont la naissance n’a pas été enregistrée n’ont pas accès à l’enseignement public et n’ont pas le droit de vote. Le divorce est largement accepté et nombre de femmes préfèrent divorcer plutôt que de se soumettre à la polygamie.
Les femmes placent vraiment l’éducation de leurs enfants au tout premier plan de leurs aspirations, à tel point que, dans certaines communautés, elles ont pris l’initiative de créer leurs propres écoles privées pour instruire les enfants du village. Ces écoles sont entièrement financées par les parents, souvent avec grande difficulté. Comme l’a déclaré l’une des mères de la commune de Ranomainty, qui fait partie du district d’Amparafaravola dans la région d’Alaotra Mangoro : « Je suis moi-même allée à l’école et j’étais avide d’apprendre. Alors, en 2002, nous avons créé notre propre école. L’instituteur est payé par les parents. C’est très difficile, mais nous voulons que nos enfants soient instruits. » Le système ne va pas sans difficultés, comme l’explique une des mères : « Il n’y a pas assez de classes, et l’instituteur est absent la plupart du temps. » Irrégulièrement rémunéré, celui-ci travaille souvent dans son champ au lieu d’enseigner. Nombreux sont les parents qui préfèrent se séparer de leurs enfants plutôt que de renoncer à leur scolarisation, et les envoient vivre chez un proche parent.
Ce qui ressort aussi de ces conversations avec les femmes des villages reculés, c’est le fait qu’elles n’ont guère le sens de la solidarité féminine. Comme le raconte une institutrice de la communauté d’Amparihivola : « Nous avons essayé de réunir les femmes de la communauté, le 8 mars, pour la Journée de la femme, afin de les convaincre de planter du « jatrofa », mais personne n’a répondu à l’appel. Elles ne veulent pas se montrer différentes et ne voient pas quel avantage il y a à s’unir. Souvent, elles sont jalouses les unes des autres. »
La seule préoccupation qu’elles ont en commun est celle de la limitation des naissances. Elles ont en moyenne six à huit enfants et souhaiteraient en avoir moins. Elles voudraient donc être mieux informées sur la planification de la famille, estimant qu’avec moins d’enfants, elles arriveraient à mieux les nourrir et les éduquer.
Pour elles, être pauvre signifie avoir beaucoup d’enfants, ne pas manger du riz tous les jours, ne rien avoir à vendre quand il n’y a pas de riz, ne pas être propriétaire d’un zébu ou d’une rizière, travailler aux champs pour gagner sa vie, et être mère célibataire ou veuve.
Georgette Victorine, 53 ans, a été à l’école jusqu’à l’âge de 11 ans. Elle a divorcé il y a environ 15 ans et vit avec ses cinq enfants, dont le plus jeune a 10 ans. Une de ses filles a un enfant et l’autre est enceinte. Pour elle, les hommes promettent le mariage et prennent la fuite : « ce sont des bandits ». L’an dernier, la famille a déménagé dans un autre village de la Fokontany (communauté villageoise), parce que le père y avait donné un lopin de terre et une rizière à son fils de 18 ans. Dans ce village, il y a plus de terres disponibles et elle peut continuer à cultiver des légumes avec l’aide de ses filles. Lorsqu’elles se rendent toutes les trois au marché d’Antsenavolo, le jeudi, elles arrivent à gagner 5 000 ariary, qui servent à l’achat de nourriture et d’autres articles, par exemple des cigarettes, du sel, des crevettes séchées, qu’elles revendent au village. En outre, elle et ses filles travaillent à la journée dans les champs et gagnent environ 4 kapoks de riz équivalant à 600 ariary. Elles cherchent du travail presque chaque jour, mais ce n’est pas facile, car de nombreux villageois sont dans la même situation qu’elles. Le paludisme est la maladie la plus courante dans la famille, et lorsqu’il frappe, Georgette emprunte 5000 ariary à ses employeurs car elle n’a jamais d’économies. Elle les rembourse en journées de labeur ou très rarement avec l’argent qu’elle gagne au marché. En 2004, elle a adhéré au TIAVO (réseau de coopératives de crédit), auquel elle a emprunté 60 000 ariary en 2005 pour payer le défrichage d’une parcelle où elle veut cultiver du manioc. Elle a aussi acheté des semences pour la nouvelle rizière de son fils. Elle remboursera son emprunt au moyen de la récolte de cette année. Les semences de manioc lui ont été données par des villageois. Georgette espère qu’avec ces nouvelles cultures, la situation de sa famille va s’améliorer.
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