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L’embouche bovine dans le Mandrare

samedi 20 septembre 2008

L’introduction de l’embouche bovine dans le Haut Bassin du Mandrare : des initiatives convaincantes - Sylvie Leguevel - Octobre 2007


Le Haut Bassin du Mandrare est une zone traditionnelle d’élevage. Le cheptel bovin est estimé à 150 000 têtes et la zone ne compte que 120 000 habitants. Il peut sembler paradoxal que le revenu moyen soit de 150 USD par personne et par an quand un zébu est vendu en moyenne à 115 USD.

L’élevage bovin est d’une importance socio-économique considérable dans la zone du PHBM . Le cheptel bovin est avant tout un signe de richesse et de prestige social. Plus une famille possèdera de zébus, plus elle sera respectée et écoutée par la communauté. Les zébus font partie intégrante de la vie sociale : lors d’un mariage, ils constitueront la dot pour la famille de la future mariée ; lors d’un décès, ils seront apportés pour aider financièrement la famille du défunt ou sacrifiés et offerts aux convives, ils seront aussi utilisés pour régler conflits et litiges. Les bœufs ne sont vendus qu’en cas de besoin monétaire très urgent (maladie grave, problème administratif à régler avec les autorités…). Quelqu’un qui vendrait un zébu à d’autres fins qu’un besoin important de liquidités serait discrédité aux yeux de sa communauté. Les bovins constituent la forme d’épargne privilégiée des populations locales.

Avant la création de Fivoy, la Mutuelle du Mandrare par le PHBM en 2004, il n’existait dans la zone aucun service financier de proximité. L’épargne physique était alors préférée à l’épargne monétaire et les revenus générés par les activités agricoles ou l’élevage de petits ruminants servaient à acheter des bœufs pour accroître la taille du troupeau. Mais l’élevage dans le Haut Bassin du Mandrare est menacé : l’insécurité rurale et les vols quasi-quotidiens de zébus affectent la pratique de l’élevage semi-extensive, les grandes sécheresses qui touchent le Grand Sud malgache de façon périodique déciment également les troupeaux.

C’est dans ce contexte que les actions du PHBM en matière d’élevage, davantage tournées vers la couverture sanitaire des animaux au cours des premières années du Projet, cherchent à transformer l’élevage traditionnel contemplatif en une activité économique à part entière. La filière bovine est porteuse, les animaux vendus sont majoritairement exportés hors de la zone ou vendus aux bouchers locaux. L’objectif est donc d’inciter les éleveurs à déstocker les animaux et à les vendre à temps. Une exploitation rationnelle du troupeau et de l’ensemble des activités agricoles permettra aux éleveurs de générer des revenus qui suffiront à racheter des zébus quand un événement social l’exige.

Le PHBM favorise les initiatives locales en finançant partiellement, sous la forme de mini-projets, les demandes émanant directement des communautés. Des mini-projets pilotes d’embouche bovine ont ainsi été initiés en 2006. Les activités d’embouche bovine et les perspectives économiques qu’elles peuvent offrir ne faisaient pas partie des priorités de développement des éleveurs du Haut Bassin du Mandrare. Les agents techniques ont donc réalisé un long travail de sensibilisation pour que certains éleveurs acceptent de tester cette nouvelle activité. Onze éleveurs motivés et ayant un potentiel pour démarrer l’activité d’embouche bovine ont été sélectionnés.

Le PHBM finance à hauteur de 60 à 70 % le coût total du mini-projet. Le financement comprend la construction de l’étable suivant des normes appropriées, l’approvisionnement en matériel vétérinaire (seringues, produits de déparasitage) et la dotation en semences fourragères. Les bénéficiaires doivent fournir le bois pour la construction du parc, les chaumes pour le toit et les animaux qui seront destinés à l’embouche (une dizaine de tête par mini-projet). L’apport financier des bénéficiaires atteint 30 à 40 % du coût total du mini-projet. Les éleveurs reçoivent des formations et un encadrement technique en matière de couverture sanitaire, d’alimentation (ration journalière, réserves en foin, cultures fourragères…), de sélection des animaux bons à être vendus et de comptabilité simplifiée pour la gestion financière de l’activité.

Les animaux choisis pour l’embouche sont âgés de 1 à 2 ans ou de 5 à 6 ans. La période d’engraissement dure entre 6 mois et 2 ans. L’idéal serait une commercialisation après 6 mois mais elle n’est envisageable qu’avec une intensification alimentaire adéquate. La sécheresse de 2006 n’a pas permis un apport alimentaire suffisant pour assurer une commercialisation après six mois d’embouche. Le PHBM envisage de doter les mini-projets de faucheuses à traction animale pour faciliter l’intensification alimentaire. Ces outils permettront de faucher de grandes quantités de pâturages naturels, suffisamment abondants dans la zone. Les fourrages seront destinés aux animaux à engraisser ou stockés sous forme de foin en prévision de la saison sèche.

Les résultats obtenus sont prometteurs et encourageants. Les éleveurs obtiennent des prix très intéressants avec les animaux engraissés (le gain supplémentaire est compris entre 50 et 150 USD par tête). Des éleveurs obtiennent une différence de plus de 50 USD en effectuant uniquement un déparasitage correct. M. Lahimbotsira, éleveur à Sirania qui vient de vendre 2 têtes affirme : « J’ai pu les vendre à 500 000 Ariary chaque (280 USD environ), c’est maintenant que je suis convaincu et je pense que je vais même devenir un modèle pour les autres ». Ce sont au total 21 mini-projets pilotes qui ont été lancés depuis 2006. Il reste maintenant à les consolider avec l’objectif que ces initiatives seront diffusées et répliquées dans la zone. Une vingtaine d’éleveurs ont déjà commencé à commercialiser leurs bœufs au bon moment sans appui du PHBM.  Les techniques d’engraissement sont encore peu copiées mais les activités de consolidation renforceront cette diffusion. Les actions de la cellule élevage seront en outre renforcées en travaillant de concert avec la Mutuelle du Mandrare pour sensibiliser les éleveurs aux avantages d’y placer ses épargnes. L’évolution des mentalités et des comportements des agro-éleveurs du Haut Bassin du Mandrare est déjà perceptible et c’est là un des acquis majeurs du PHBM.

Sylvie Le Guével