en collaboration avec

Accueil > Gestion des savoirs > Études de cas > Eau et irrigation > Les associations d’usagers de l’eau dans le paysage rural malgache

PPRR - PARECAM

Les associations d’usagers de l’eau dans le paysage rural malgache

vendredi 1er juin 2012

À Madagascar, le secteur agricole est prioritaire pour le développement du pays et incontournable pour l’atteinte de ses objectifs économiques, sociaux et politiques. Pourtant, ce n’est que depuis les années 80 que le cadre législatif malgache reconnaît l’importance du secteur de l’eau agricole pour la lutte contre la pauvreté.

Dans ce contexte, l’amélioration et la construction d’ouvrages hydrauliques pour l’agriculture, et la mise en place de politiques nationales concernant la gestion de l’eau agricole sont essentielles.


La loi N° 90–016 du 20 juillet 1990 fixe les modalités du transfert de la gestion des périmètres irrigués à des associations d’usagers de l’eau, suite au désengagement de l’État de la gestion de l’entretien et du contrôle des réseaux hydro-agricoles.

Un des objectifs du Programme d’appui à la résilience aux crises alimentaires de Madagascar (PARECAM), un programme de développement financé par le Fonds international de développement agricole (FIDA), est de favoriser une augmentation significative de la production alimentaire sur la côte est, en assurant une vulgarisation des techniques agricoles à un nombre croissant de producteurs agricoles. Le PARECAM travaille de concert avec le Programme de promotion des revenus ruraux (PPRR), également financé par le FIDA, et développe ses activités dans la zone d’intervention de ce dernier.

Pour atteindre son objectif, le PARECAM finance la réhabilitation et l’aménagement de périmètres rizicoles, y compris l’étude et le contrôle des travaux d’ouvrages hydrauliques, les travaux de réhabilitation de périmètres irrigués et l’appui à la gestion et à l’entretien des périmètres. Il agit comme intermédiaire entre le gouvernement et les agriculteurs en appuyant les communautés dans la mise en place d’association d’usagers de l’eau (AUE).

Toute démarche de création d’une AUE est associée à l’irrigation des cultures de riz. Plusieurs activités ont donc été mises en place relatives à l’adoption de nouveaux systèmes de culture du riz où la maîtrise de l’eau est essentielle. Au total, le programme a mis en place 32 périmètres irrigués dans les régions d’Analanjirofo et Atsinanana et aidé à la création d’autant d’AUE pendant l’année 2010.

Les potentialités des AUE récentes

Il est encore trop tôt pour évaluer l’avenir d’AUE qui n’ont qu’une année d’existence, mais il est important de souligner leur points forts, et leur potentiel.

Au niveau social :

  • Le travail des techniciens du PARECAM sur le terrain et l’encadrement des différentes phases de mise en place d’une AUE ont garanti que les droits et les besoins de chaque bénéficiaire soient pris en considération pour éviter des conflits par rapport à l’eau dans l’avenir.
  • Il n’existe pas de groupes sociaux isolés qui aient pris le pouvoir de l’AUE.
  • L’élection des membres du bureau exécutif a été mené d’une manière légitime et égale parmi tous les membres de l’AUE. Il n’y pas de membres « exclusifs ».
  • Le pourcentage élevé de femmes dans l’AUE comme membres et membres du bureau est un point positif.
  • Il existe une attitude positive et, d’une manière générale, les membres sont très motivés pour travailler dans l’AUE.
  • Les membres interviewés ont conscience de l’importance d’une bonne gestion de l’eau et se sont engagés à apprendre à bien gérer l’eau.

Au niveau technique :

  • Les études de terrain réalisées par le programme en collaboration avec les agriculteurs ont permis que les périmètres soient bien évalués sur la base de leurs besoins en eau et que les solutions techniques adoptées soient les mieux adaptées aux besoins des agriculteurs.
  • Les infrastructures d’irrigation mises en œuvre sont adaptées au contexte local et faciles à gérer par des organisations d’usagers. De plus, la mise en place des comités de contrôle et de surveillance assure sécurité et confiance dans la responsabilité de ses membres.
  • Les nouveaux ouvrages hydrauliques et canaux sont bien entretenus et propres.
  • Les agriculteurs ont été formés au niveau technique à l’entretien des canaux et au fonctionnement du réseau hydro-agricole tout entier.
  • Il n’existe pas de concurrence pour les différents usages de l’eau, car les infrastructures réhabilitées ou nouvelles sont seulement utilisées pour l’irrigation.

Au niveau institutionnel :

  • La rédaction et l’approbation des statuts, du règlement intérieur et le Dina ont suivi une démarche participative, ainsi que les dossiers constitutifs de l’AUE. Le technicien socio-organisationnel a apporté tout l’appui nécessaire pour atteindre cet objectif.
  • Les membres du bureau ont bénéficié d’une formation en matière administrative.
  • Les AUE ont la capacité d’un fonctionnement institutionnel bien que ce soit encore impossible à vérifier.

Au niveau économique :

  • Toutes les AUE ont établi une cotisation pour chaque membre, fixée démocratiquement. Elle n’est pas la même dans toutes les associations, car elle a été fixée en fonction des caractéristiques particulières de chacune.
  • Le premier financement pour la construction d’une infrastructure hydro-agricole est déjà couvert, donc si tous les membres sont responsables et paient les frais, il y aura des fonds importants pour les futures réparations ou améliorations de l’infrastructure. Cela constitue un point positif en faveur de la durabilité des AUE.
  • Les bureaux de microfinancements, où les AUE peuvent ouvrir un compte, sont un bon outil de gestion transparente et claire des mouvements financiers.

Faiblesses et risques des AUE

Il semble qu’il n’y ait, à priori, pas de problèmes de fonctionnement des associations au niveau communautaire. Il existe cependant des risques liés aux aspects techniques, économiques et institutionnel.

En ce qui concerne les aspects techniques, le manque de formation pratique a été souligné par tous les membres : il est donc nécessaire d’augmenter la quantité de formations pratiques et d’établir des échanges d’expériences entre agriculteurs. Les sujets les plus demandés sont : comment mesurer le volume d’eau, et l’enseignement sur la distribution de l’eau, le drainage et l’entretien du réseau. Au sujet de l’amélioration des périmètres, les AUE ont besoin d’aide pour valoriser les nouvelles parcelles, ainsi qu’à planifier et rédiger de nouveaux projets d’expansion de la surface cultivée.

Il manque également de spécialistes en maintien des infrastructures et les AUE sont incapable d’analyser les problèmes de fonctionnement. Cela est dû au fait qu’il n’y a pas de supervisions périodiques des infrastructures pour évaluer si elles ont besoin d’être réparées.

Le rapport entre l’augmentation de la production de riz et la bonne gestion locale de l’eau fait que la durabilité des AUE est aussi liée aux nouveaux systèmes agricoles comme le SRI/SRA, et à l’appui à la productivité agricole. La maîtrise de l’eau nécessaire pour la pratique du SRI/SRA est ce qui permet aux agriculteurs de réaliser deux récoltes par an et de doubler, voire tripler, leurs rendements par hectare.

Les aspects économiques restent à consolider. L’appui à ce niveau est basé sur l’adoption de normes et principes communs de comptabilité ainsi que de méthodes convenues de fixation de prix, d’élaboration du budget et d’établissement de rapports. La viabilité financière d’une AUE est l’un des points clés de sa durabilité. Il est donc indispensable de donner aux membres du bureau une formation dans le domaine de la gestion financière, et de la gestion en général. Par ailleurs, il faudra s’assurer d’un transfert des connaissances adéquat lors de l’élection de nouveaux membres du bureau.

Au niveau institutionnel, il manque de formation pratiques plus approfondies, ainsi que d’ateliers sur l’importance de la gestion de l’eau du point de vue législatif, car personne ne connait les textes législatifs qui réglementent l’eau agricole.

Enfin, bien que du point de vue associatif les AUE ont un bilan positif, il convient toutefois de mettre l’accent sur les changements à venir comme par exemple l’élection de nouveaux membres du bureau, la participation aux réunions et assemblées générales, etc. La dispersion de certaines communautés peut être un point négatif pour le fonctionnement de l’association. Par ailleurs, les femmes ont un rôle important dans l’AUE et bien que leur présence et participation soient élevées, il sera nécessaire de renforcer cette tendance de manière continue.

La fin de PARECAM, un risque pour les AUE ?

Enfin, il est à considérer que la fin du programme PARECAM est un facteur de risque important pour la survie des AUE. En effet, tous les membres des acteurs impliqués en la mise en place des AUE sont déjà habitués aux techniciens sur le terrain et leur disparition risque de créer un vide qui pourrait affecter la pérennisation de ces jeunes structures.