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AD2M

La prévention des conflits fonciers à Madagascar

lundi 15 décembre 2008

Les conflits fonciers risquent de s’aggraver à Madagascar sous l’effet de la pression démographique, de la raréfaction des terres disponibles et de la mauvaise gestion des terres communales. Cette crise est accentuée par la faiblesse du système d’administration foncière et par l’insécurité d’occupation du sol. Le Gouvernement considère que ces conflits font obstacle à un investissement durable de la part des producteurs ruraux ainsi qu’au développement agro-industriel, tout en nuisant à la crédibilité de l’État. Dans le cadre de divers programmes de prêts et de dons, le FIDA collabore avec le Gouvernement afin d’améliorer la situation en recourant à une démarche d’apprentissage par la pratique.


L’économie de Madagascar est essentiellement rurale, l’agriculture étant le principal moteur de la croissance économique. Le riz, culture la plus importante, nourrit et assure un revenu à quelque 10 millions de personnes. Près de 80 pour cent de la population vit en milieu rural, et les paysans sont pour la plupart des propriétaires-exploitants, qui possèdent en moyenne moins de 1,2 hectares. L’accroissement rapide de la population a abouti à une pénurie de terres, en particulier dans la région des hautes terres où les ressources forestières et collinaires communes sont soumises à une pression croissante et où souvent aucune gestion durable n’est pratiquée. Une pression identique est évidente dans la région aride de l’ouest, où le riz est cultivé dans les zones humides. Au cours des 20 dernières années, ce processus s’est traduit par la faiblesse et la baisse de la productivité agricole, l’augmentation de la pauvreté rurale, la dégradation de l’environnement et la stagnation de l’économie.

La faiblesse du régime foncier et un cadre juridique dépassé sont à l’origine de ces problèmes. Ces deux facteurs découragent l’investissement dans les zones rurales et ont conduit à la multiplication des conflits relatifs à la propriété foncière et aux droits de jouissance de la terre. C’est particulièrement le cas dans les zones collinaires et forestières, où l’on a peu fait pour mettre un terme à la mauvaise gestion des ressources communales. Le régime foncier actuel reflète la riche histoire du peuplement du pays et est constitué d’un mélange de dispositions allant des systèmes traditionnels de propriété communale aux instruments législatifs modernes régissant la propriété foncière privée.

Des tentatives ont été faites au cours des dix dernières années pour améliorer l’administration foncière en unifiant ces systèmes disparates, et en 1996 une loi a organisé le transfert aux collectivités locales de la gestion des terres et des ressources naturelles. Un service national d’administration foncière devait être créé, avec un état des lieux des terres domaniales afin d’établir un parcellaire légal et d’élaborer des plans d’aménagement du territoire. Il devait également avoir pour tâche de promouvoir la gestion durable des terres dans le cadre du plan d’action national pour l’environnement. Cependant la lourdeur de la bureaucratie, le manque de fonds et la faiblesse des capacités techniques et administratives en ont ralenti la mise en œuvre.

Une initiative nouvelle

En 2004, le Gouvernement de Madagascar a fait un nouvel effort en s’employant à élaborer un programme national foncier (PNF), qui comprend une politique foncière nationale et une stratégie d’application (http://www.foncier.gov.mg/). Le principe qui préside à cette politique est la décentralisation. Il est envisagé de créer des guichets fonciers aux niveaux communal ou intercommunal. Etant donné, toutefois, l’extrême diversité du pays, le Gouvernement a reconnu la nécessité d’une activité pilote destinée à faciliter l’élaboration et la mise en œuvre de la nouvelle politique. Le FIDA a soutenu cette initiative en accordant un don afin d’assurer que les nouveaux systèmes répondent aux intérêts des petits exploitants et des groupes marginalisés. Les objectifs sont d’analyser la cause des conflits fonciers ainsi que les besoins et les attentes des petits exploitants en matière foncière et d’élaborer des procédures appropriées d’immatriculation foncière, d’aménagement du territoire et de gestion foncière visant à protéger les intérêts des ménages ruraux pauvres. Plusieurs mesures importantes ont conduit à cette activité pilote, au terme d’un processus d’apprentissage par la pratique. Au cours de la dernière décennie, le FIDA a acquis une expérience de la complexité de l’établissement de titres fonciers à Madagascar, à l’occasion du financement de trois programmes de développement agricole exécutés dans différentes parties du pays.

L’expérience acquise

Le premier programme de développement agricole était un projet d’amélioration et de mise en valeur entrepris dans la région de collines du nord-est. Il a démarré en 1997, époque à laquelle le Gouvernement a commencé à accorder la priorité à la problématique foncière. Des tentatives de délivrance de titres fonciers collectifs aux collectivités (Opération Domaniale concertée) ont été faites, mais sans grand succès. Le processus allait essentiellement du haut vers le bas. De plus, les petits exploitants ne considéraient pas les terrains concédés comme des terres de valeur et ne voyaient donc pas la nécessité ou l’intérêt de les sécuriser par l’acquisition de titres fonciers. Par ailleurs, le service national d’administration financière n’avait ni les moyens ni le personnel nécessaires pour mener à bien le programme d’établissement des titres, à la fois coûteux et techniquement complexe.

Le deuxième, un projet visant à la mise en valeur du haut bassin du Mandraré (PHBM) a démarré en 2001 et s’achèvera en 2008. Il finance l’infrastructure d’irrigation et aide les agriculteurs à conclure des arrangements contractuels avec les transformateurs dans les zones à fort potentiel, aux fins de production et de commercialisation de cultures d’exportation. Étant donné que dans cette région, la terre avait de la valeur, la demande de titres fonciers formels y était vigoureuse et, conformément à la politique de décentralisation de l’État, une procédure de délivrance de titres en deux étapes a été mise en place. La première étape a consisté à transférer les droits fonciers de l’État central aux collectivités locales, processus qui a exigé un renforcement des capacités à ces deux niveaux, pour l’établissement des titres et l’exécution des tâches administratives connexes. La seconde a eu pour objet de subdiviser les terres au niveau communal, opération qui a nécessité à son tour un renforcement des capacités.

Le troisième concerne la promotion des revenus ruraux (PPRR). Lancé en 2004, il est axé sur les cultures de rapport et sur le renforcement de la coopération entre les acteurs de la filière commerciale sur la côte est. Un aspect essentiel de ce programme est l’établissement de titres fonciers sécurisés qui permettront aux agriculteurs d’investir dans leur avenir avec confiance. Lorsqu’il a démarré, le Gouvernement était confronté à une forte demande et à une pression politique en faveur de l’établissement de titres fonciers en milieu urbain. Il avait l’intention de topographier et de délimiter l’ensemble des parcelles sur la base de la valeur foncière, à l’aide d’images satellite coûteuses et d’un système de registres informatisés au niveau municipal. Ce parti pour les solutions de haute technologie, procédant d’une vision urbaine des choses, ne tenait pas compte du coût élevé de cette approche ni du fait que la plupart des communes rurales de disposaient même pas de l’électricité et n’avaient pas les moyens d’acheter les groupes électrogènes nécessaires au fonctionnement des systèmes électroniques.

C’est durant cette période que le FIDA est convenu d’accorder un don pour financer, dans le cadre du programme national foncier, un projet pilote visant à la création d’un service intercommunal d’immatriculation foncière. Ce projet soulignait la nécessité d’adopter des approches plus efficaces de l’établissement des titres fonciers, représentant les intérêts des ruraux pauvres et tenant compte des différences de valeur attribuée à la terre et de l’hétérogénéité de la demande émanant des petits exploitants. Il importait de dépasser le traitement uniforme, caractéristique des approches urbaines de l’administration foncière, et d’étudier les problèmes susceptibles de se poser lors de la dévolution de l’immatriculation des terres au niveau communal. En outre, le don devait permettre de sécuriser non seulement les droits principaux (propriété), mais également les droits de jouissance existants (accords de bail) sur lesquels repose le système foncier actuel. Ce projet pilote intéressait la côte ouest (Ankilizatao, dans la région de Menabe), où étaient exécutés les programmes financés par le FIDA.

Prochaines étapes

Alors que le projet pilote démarrait, un nouveau projet concernant les bassins versants et l’amélioration du régime foncier dans les régions de Menabe et de Melaky (AD2M) a été formulé et soumis à une pré-évaluation en 2006. Il complètera les initiatives précédentes et renforcera encore la sécurité foncière des petits exploitants et des ruraux pauvres, et accompagnera la mise en œuvre du programme national foncier. Dans le cadre du processus d’admission, une étude de la cause des conflits fonciers, et des attentes foncières des petits exploitants de quatre collectivités de l’ouest du pays a guidé le projet pilote et le projet d’amélioration du régime foncier. Ce dernier devrait démarrer en octobre 2006, mais pour qu’il ait un plus large impact, il faudra réaliser une évaluation nationale approfondie permettant à la population rurale d’exprimer ses besoins en matière de régime foncier lors du processus de concertation au niveau national. À cette fin, un fonds national sera mis en place pour financer la création des guichets fonciers.

Ces mesures constituent autant d’étapes importantes vers la mise en place d’un système général et viable d’établissement de titres fonciers, chaque étape apportant de nouvelles idées sur la meilleure façon de parvenir au but, selon un processus d’apprentissage par la pratique.