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PROSPERER

Leviers et contraintes à la mise en place de la contractualisation dans la filière black eyes

jeudi 6 décembre 2012

Depuis plusieurs années déjà, l’accès au marché des producteurs pauvres est présenté comme un axe de travail pouvant répondre aux enjeux de pauvreté dans les campagnes. De nombreux travaux ont démontré que les conditions de vie précaires des ruraux pauvres sont maintenues par le peu d’accès à des marchés sur lesquels les agriculteurs peuvent vendre leurs productions et améliorer ainsi leurs revenus. Cette étude se penche sur le cas du black eyes et la possibilité d’établir des contrats entre les acteurs de la filière qui profiteraient à tous, y compris aux producteurs.


Travailler sur un meilleur accès au marché des producteurs se décline selon différents axes, de l’amélioration des capacités des producteurs à répondre aux attentes des marchés, à une structuration des filières pour établir de meilleures connexions entre producteurs et acheteurs.

Le Programme de soutien aux pôles de microentreprises rurales et aux économies régionales (PROSPERER) place ses activités de développement rural dans le cadre de l’accès aux marchés des ruraux pauvres. Celles-ci sont notamment orientées autour de la création de partenariats, ou couples, entre organisations de producteurs et opérateurs de marchés, soit les acheteurs à l’aval de la filière. La création de ces couples doit s’établir, selon PROSPERER, dans un cadre d’agriculture contractuelle.

L’agriculture contractuelle se définit de manière générale comme une relation mutuelle de services entre producteur et acheteur. Le producteur cède ses droits sur les récoltes à l’acheteur et lui garantit l’approvisionnement en produits. L’acheteur fournit quant à lui des services facilitant la production agricole selon ses exigences ou les standards nécessaires à son activité.

L’agriculture contractuelle s’inscrit ainsi dans une relation bilatérale et prévoit une coordination plus importante entre les parties prenantes de façon à améliorer la transaction. L’engagement de l’acheteur varie en fonction de ses besoins et de ses capacités financières. Ainsi, les services fournis par l’acheteur vont de la simple fourniture d’intrants (semences, produits phytosanitaires) à des prescriptions pour des étapes de l’itinéraire technique afin de s’assurer de la qualité obtenue. Cette dernière approche nécessite toutefois des investissements plus importants, comme par exemple le recrutement d’agents de terrain, afin de s’assurer que les indications soient bien appliquées.

Les activités de PROSPERER touchent différentes filières et clusters à Madagascar, dont la filière black eyes, localisée dans la province de Mahajanga, dans les régions de Boeny et Sofia. Le black eyes n’est produit que depuis récemment à Madagascar. Sa culture provient d’investissements du secteur privé en réponse aux demandes à l’international pour ce produit ; le black eyes s’est par la suite répandu face à la demande des opérateurs de marché pour ce produit.

Il y a, à l’heure actuelle, deux principaux marchés à l’exportation. Le premier marché, indien, domine en volume d’exportation et accepte un produit tout-venant. Le second, occidental, couvre principalement l’Europe, mais aussi quelques pays du bassin méditerranéen et l’Amérique du Nord, et exige un produit de qualité, calibré et aux normes sanitaires en vigueur dans ces pays.

Une filière bien structurée

Pour s’approvisionner en black eyes, les exportateurs passent à travers les collecteurs qui regroupent, stockent et transportent le black eyes récolté sur les grands marché locaux ou dans les marchés de brousse du bassin de production. Ils l’acheminent ensuite vers les grandes villes où se trouvent les entrepôts des exportateurs. Les collecteurs sont perçus par les exportateurs comme d’importants fournisseurs de services, car ils leur assurent un approvisionnement en produits tout en leur évitant d’avoir à mener des transactions directes avec les producteurs, sources d’incertitude.

Les collecteurs travaillent souvent avec des démarcheurs, intermédiaires qui vont dans les villages pour repérer et acheter le black eyes aux producteurs. Les démarcheurs permettent aux collecteurs d’étendre leur zone et leur capacité d’action afin d’atteindre le plus de producteurs possibles dans la limite de leur capacité financière. Les producteurs peuvent aussi directement vendre leur récolte aux collecteurs en allant sur les marchés locaux où se trouvent ces derniers. Les transactions au sien de la filière se font majoritairement sur la base du marché au comptant, c’est-à-dire que les échanges entre vendeurs et acheteurs s’articulent essentiellement autour du prix : le produit est vendu au plus offrant sans qu’il n’y ait eu de négociation préalable.

Le black eyes est une culture qui a rapidement trouvé sa place dans les systèmes de production, les cultures de rente emblématiques (coton, arachide) ayant perdu de leur popularité à la suite de diverses difficultés, et du fait que le black eyes permet un retour rapide sur investissement grâce à la brièveté de son cycle de culture.

Certaines zones du bassin de production ont profité des premières approches de développement de la culture du black eyes, basées sur un système d’encadrement paysan. Ces zones ont ainsi une meilleure maîtrise de la production et le produit récolté est souvent de meilleure qualité. Ailleurs, les producteurs ont appris à travers l’observation et l’expérimentation, qui ce rend l’itinéraire technique parfois mal maîtrisé. De manière générale, les difficultés de trésorerie rendent le suivi des étapes de culture délicat, du fait de l’important investissement nécessaire à la culture du black eyes.

Les organisations de producteurs sont peu impliquées dans la filière, car elles se concentrent généralement sur des aspects de productions et non sur la gestion de l’interface avec les services ou sur la mise en marché.

Les leviers et les contraintes à la contractualisation

Le principal levier pour la mise en place d’une agriculture contractuelle dans la filière est le besoin des exportateurs de s’approvisionner en produits de qualité destinés au marché occidental. En effet, la nécessité d’acquérir un black eyes de gros calibre (qui permettra d’obtenir une plus grand pourcentage de grade 1 après calibrage) peut pousser ces exportateurs à s’engager en amont de la filière, en vue d’établir une meilleure coordination verticale et, par conséquent, mieux contrôler la qualité du black eyes livré. La qualité du black eyes est un enjeu transversal à la filière, et une incitation à développer une synergie et une stabilité dans la relation entre producteurs et acheteurs.

L’organisation actuelle de la filière, où les organisations de producteurs ont un faible rôle et où les collecteurs occupent une place importante, nuit à la création de relations directes entre exportateurs et producteurs. Ainsi, la mise en place d’une agriculture contractuelle entre ces deux catégories d’acteurs nécessite aussi un travail parallèle sur les organisations de producteurs, leur rôle dans les filières, et sur des outils de concertation interprofessionnels, afin que les parties prenantes s’y rencontrent et amorcent un dialogue sur leurs intérêts personnels, leurs difficultés et les enjeux de la filière.

Le travail sur ces aspects de structuration de la filière, dont le but est faciliter la mise en place d’une agriculture contractuelle, n’est cependant pas nécessairement une activité préalable à la création de ces partenariats : ces deux activités doivent être menées conjointement. De plus, la volonté de développer une agriculture contractuelle dans la filière peut être un catalyseur pour l’organisation des producteurs et pour la mise en place d’une plateforme de concertation interprofessionnelle.

Pour plus de détails, voir l’étude complète ci-après.