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Inclure les plus démunis en luttant contre l’extrême pauvreté : quelles réalités et quels défis ?

mercredi 8 décembre 2010

À Madagascar, où plus de 70% de la population vit en milieu rural et une grande partie d’entre eux se trouve en dessous du seuil de pauvreté, les projets de développement oeuvrent pour réduire la pauvreté. Ces projets se veulent inclusifs, en intégrant plus spécifiquement chaque catégorie socio-économique des communautés ciblées. Les réalités sont toutefois complexes et malgré la diversité des activités et des populations ciblées au sein des projets, on ne peut parler d’inclusion dans tous les cas.

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L’exclusion s’opère à divers niveaux : au sein du ménage, du village, de la commune, de la région, de l’État et même au niveau international. Depuis plusieurs années déjà, et notamment depuis le développement des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), la communauté internationale s’accorde pour reconnaître que la pauvreté n’est pas un phénomène homogène. Or, l’équité et l’égalité sont énoncées depuis longtemps comme l’une des principales missions de la communauté internationale, comme en témoigne la Déclaration universelle des droits de l’homme, texte fondateur des OMD : Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille (...) (article 25, paragraphe 1).

Il semble difficile d’appliquer ce droit sans connaître les réalités. Les observations de terrain ont permis de déceler les principaux facteurs de l’exclusion sociale, notamment :

Le statut  : les personnes avec un statut social élevé jouent un rôle important dans l’inclusion ou l’exclusion des autres catégories sociales, alors que les personnes en bas de l’échelle sociale s’excluent parfois d’elles-mêmes.

L’âge  : les jeunes, mais aussi les personnes âgées sont souvent exclues des activités de développement.
 Le sexe : Les femmes selon leur âge ou leur origine et les hommes, en fonction de leur origine ou de leur statut social sont également mis à l’écart.

L’origine  : Les antécédents ou histoires personnelles, et l’histoire de la collectivité (liée à l’ethnie) sont autant de facteurs d’exclusion.

L’appartenance religieuse, politique (en particulier en cette période de crise) et ethnique jouent un rôle important.

D’autres situations peuvent avoir une influence : l’attitude des agents de développement ou un mode inadéquat d’intervention (temps, lieux, langage, etc.), les stéréotypes véhiculés par les villageois (par exemple, un groupe de personne est considéré comme « paresseux », donc indigne de l’aide octroyée), et l’enclavement géographique qui devient un enclavement psychologique.

L’alphabétisation et les microprojets comme mesures d’inclusion

À Madagascar, le Fonds international de développement agricole (FIDA) finance actuellement quatre projets de développement rural. Tous prévoient des mesures d’inclusion comme le renforcement de capacités des plus pauvres à travers l’alphabétisation et le démarrage de microprojets.

L’alphabétisation s’avère être un moyen efficace pour renforcer les capacités des plus pauvres, les intégrer dans les activités et préparer leur participation aux processus de prise de décision. Nombreux témoignages de bénéficiaires viennent confirmer le changement positif que cela apporte dans leurs vies. Les femmes sans emploi et les jeunes déscolarisés en sont demandeurs. Or, les frais de participation restent encore un obstacle important pour la diffusion de cette activité aux plus pauvres.

D’autre part, des microprojets sur des activités très diversifiées sont mis en place en priorité pour dynamiser les paysans sans terre et les groupes exclus tel que les femmes afin qu’ils développent une activité tout en recevant une formation pour devenir autonomes. Toutefois, un travail préalable d’identification des bénéficiaires est nécessaire pour ajuster le ciblage, comme par exemple des enquêtes socioéconomiques.

Un autre moyen de s’adresser aux plus pauvres est le conseil à l’exploitation familiale. Cette activité a été initiée par le projet AROPA dans la Haute Matsiatra en vue d’analyser les différentes tâches accomplies par les hommes puis par les femmes, à l’aide d’une matrice des responsabilités, une analyse de l’exploitation, etc. Comme l’exclusion résulte parfois des pratiques au sein même du ménage, il s’agit d’accompagner chaque membre de la famille et formuler une stratégie individuelle. Toutes les stratégies individuelles ont pour but commun l’amélioration des conditions de vie du ménage.

Agir pour les jeunes

Aujourd’hui, PROSPERER et AROPA ont adopté une approche volontariste en faveur des jeunes, l’une au sein des microentreprises et l’autre parmi les agriculteurs. PROSPERER se distingue également par la jeunesse de son personnel qui pourrait être porteur d’une nouvelle approche.

Enfin, un aspect non négligeable et transversal est le travail des agents de projet. Interface directe avec les communautés, la méthode d’approche et les attitudes des agents de projet sont également des facteurs d’inclusion ou d’exclusion. La langue utilisée lors des réunions d’information peut déjà constituer un obstacle pour les minorités présentes. De plus, l’aisance et la facilité relationnelle avec les leaders locaux est une arme à double tranchant : cela peut faciliter le ciblage tout comme mener à un favoritisme et à du clientélisme. Il arrive que les agents de terrain soient manipulés par les leaders locaux pour gagner la faveur des plus démunis. Les hommes politiques revoient le ciblage en fonction de leurs intérêts et présentent les agents de projet comme leurs collaborateurs. Il est possible d’éviter ce détournement en communiquant le caractère public des interventions des projets mais également par l’attitude et l’approche des agents de terrain.

L’exclusion est le fruit des relations entre les couches sociales et crée des catégorisations qui la cristallisent. Pour se libérer de l’exclusion sociale, on doit s’attacher à changer les représentations qui structurent les différentes catégories de la société.

Les principaux défis sont avant tout de changer les perceptions, puis de repenser les faits et les situations qui les déterminent. Ces dernières découlent pourtant de notre vie sociale. Alors, comment percevoir une femme pauvre comme un acteur de développement potentiel et penser les activités pour qu’elle puisse participer ?

Il faut agir sur le processus lui-même d’exclusion. Deux solutions parallèles sont possibles : un changement de comportement (informer-communiquer à tous les niveaux : fokontany, commune, région et programme, en invitant les membres de communes et régions dans les formations données aux équipes de projet) et consolider l’accompagnement (agents de terrain, parrainage, stage, formation, etc.). Le défi est d’y porter systématiquement attention car malgré une prise de conscience générale, la pratique reste difficile. En dépit de tous les outils existants, quatre questions essentielles permettent de rester vigilants en toute situation : qui peut venir et bénéficier ? Qui ne vient pas et ne bénéficie pas ? Pourquoi ? Comment faire pour remédier à la situation la prochaine fois ?

Ces aspects, ces mesures et cette relecture restent cependant très insuffisants. L’accès aux services financiers n’a pu être abordé dans le présent documents, alors que c’est un volet essentiel. Ce travail a néanmoins été rendu possible grâce à la vague d’enquêtes AMED effectuées cette année. C’est une première étape qui mérite d’être approfondie, de manière à donner des pistes de sensibilisation vers l’inclusion.