PHBM
lundi 15 décembre 2008
Posséder un grand troupeau est la qualité suprême dans la région du Sud de Madagascar. Aussi le PHBM a-t-il introduit avec succès de nouvelles pratiques : la monétarisation des richesses. Plusieurs éleveurs en tirent le meilleur parti sans pour autant abandonner l’élevage bovin.
« Une vingtaine d’hommes sont allés suivre la trace des zébus volés hier », raconte avec tristesse Famantara, un éleveur de 70 ans du village de Sirania. « Ils vont partir jusqu’à ce que les malfaiteurs soient identifiés et les zébus rendus mais ce n’est pas certain », se plaint-il. Le vieux Famantara est un des six derniers hommes valides restés garder le village. Car certaines fois, les voleurs n’hésitent pas à tuer les propriétaires qui les surprennent en flagrant délit. Pour contourner, à défaut d’éradiquer ces vols qui concernent tous les éleveurs bovins de la région du Mandrare, le projet PHBM a introduit une nouvelle pratique : monétariser l’épargne. L’idée est de convaincre que la richesse ne se résume plus en la possession de têtes de bétail, même dans cette région du sud de Madagascar où les grands propriétaires de zébus sont depuis toujours considérés comme les plus grands des seigneurs.
Le changement a abouti à certains égards : depuis l’arrivée du PHBM dans la région, les propriétaires ont appris à compter leurs avoirs, pas seulement en terme de taille du cheptel mais également en masse monétaire. Ralaivao Denis, 70 ans, Vice-président d’un des Fokontany de la Commune de Tsivory, a vendu la moitié de son cheptel, c’est-à-dire six sur douze têtes de zébus, pour construire une maison en dur. « Malgré mon âge, j’ai compris qu’il vaut mieux vendre une partie de mon bétail pour construire que de me soucier des ‘Malaso’ (voleurs de zébu) », commente-t-il avec fierté. Et il ne s’en cache pas : pour convaincre ses amis, il n’hésite pas à apporter son témoignage dans les réunions et lors d’émissions radiophoniques.
Des conditions qui favorisent le changement
Le principal but est de favoriser l’existence d’avoirs monétaires disponibles tout au long de l’année. Ces derniers ne seraient pas tributaires du prix fluctuant des zébus, les seuls biens mobilisables en cas de sécheresse. Plusieurs conditions ont été créées par le PHBM pour mettre en marche cette petite révolution.
Primo : la Mutuelle Fivoy qui a neuf caisses sur les onze villages de la région d’intervention du projet, est devenue une structure de proximité d’épargne et fait l’objet de sensibilisation de tout le projet, notamment auprès des éleveurs. Depuis l’apparition de ces caisses, l’accent a été mis sur le niveau de sécurité et l’intérêt offert aux épargnants du Fivoy. « Le fait que des enfants du pays y travaillent a joué en faveur de la crédibilité de cette mutuelle et a permis aux éleveurs de comprendre le fonctionnement de l’épargne et des emprunts », précise Mahaliny Jean-Claude, 23 ans, caissier auprès de la caisse de Elonty. Secundo : la monétarisation des biens a pris son envol dès que les éleveurs ont appris les procédés de la spéculation.
Maharongatsy, de Ankily, a su profiter de toutes ces conditions pour améliorer ses revenus, non pas en se limitant au cheptel bovin mais en le combinant avec les autres secteurs d’intervention du projet dans de la région. Pendant la saison des récoltes, il vend à prix fort un petit nombre de zébus, place la somme à la Mutuelle pour pouvoir faire des emprunts, achète avec cette somme du riz à bas prix qu’il va revendre plus cher à la saison de soudure. Une telle spéculation lui a permis d’agrandir à nouveau son troupeau. « L’imitation est aussi un grand catalyseur », dit avec le sourire aux lèvres Ralaivao Denis. Ce vice président de fokontany explique que depuis qu’il a construit sa maison, il a observé plusieurs propriétaires bovins devenus propriétaires de maisons en dur.
« Mais même s’il est sur la bonne voie, le processus prendra encore du temps », explique Andriamaherison Ramboanilaina, l’ingénieur de la cellule Elevage du PHBM. En témoigne Jean-Marcel, 40 ans, qui envisage de « faire tous les efforts possibles » pour racheter les deux zébus qu’il a perdus à la disette de 1991. Mais il en fait encore un grand secret : Jean-Marcel le dit à voix basse car sa dignité a été perdue depuis qu’il n’a plus de troupeau. Malgré le gros phénomène des voleurs de bétail, l’épargne sur pied n’a pas encore totalement disparu des moeurs de la région : l’acquisition de zébus reste encore la plus grande fierté de chaque personne, et même les meilleurs spéculateurs et le jeune caissier n’échappent pas à cette tradition.
Henintsoa Randriamampianina
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