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L’union Fivondronan’ny Firambany’ny Mpamboly Voanjo et les associations de producteurs dans la zone d’Ambato Ambamiray : quelles leçons pour les autres zones du bassin de production du black eyes à Madagascar ?

lundi 3 décembre 2012

Pays à dominante agricole, Madagascar subit aujourd’hui le manque de structuration et d’organisation de ses producteurs. Il existe traditionnellement des systèmes d’entraide, les tambirô, où les producteurs réalisent en petits groupes les travaux aux champs. Cependant, ces organisations traditionnelles ont du mal à répondre aux besoins émergents des agriculteurs face à l’évolution du contexte économique, c’est-à-dire aux réseaux de commercialisation apparus après l’effondrement des structures étatiques post-coloniales. Cette étude se penche sur le cas des associations présentes dans la zone d’Ambato-Ambamiray.


Ambato Ambamiray est la ville principale du district d’Ambato-Boeny. Ceinte par le Betsiboka et ses affluents, ses alentours sont constitués de baiboho sur de très larges surfaces de terres limoneuses sur lesquelles s’établissent les principales cultures de rente de la région et dont le black eyes est la dernière en date. Ambato Ambamiray est située à proximité du centre urbain de Majunga, ville principale de la province et premier port pour l’exportation du black eyes.

L’univers associatif dans le secteur agricole est récent à Ambato Ambamiray. Il est composé d’une trentaine d’associations de producteurs et d’une union d’associations. Cet environnement associatif est né de l’action du Programme de soutien au développement rural (PSDR), financé par la Banque mondiale. Le PSDR avait pour vocation de soutenir techniquement et économiquement les projets d’agriculteurs regroupés au sein d’associations. Cette exigence a conduit à la formation de petits groupes de producteurs autour de projets collectifs centrés sur la production agricole de ses membres. Puis, face à l’émergence de nombreuses associations, la création d’une union d’associations a semblé essentielle afin de pouvoir fédérer et représenter l’ensemble des producteurs ayant opté pour le regroupement.

Chaque association est composée de 10 à 15 producteurs et travaille autour d’un projet agricole commun. Chaque membre possède et cultive ses parcelles, mais le choix des cultures se fait en groupe. L’association devient un outil de discussion, de concertation et d’entraide autour des activités agricoles et a pour objectif la bonne conduite des cultures réalisées par les membres du groupe. Lors des réunions, les calendriers cultural et de travaux aux champs sont choisis collectivement pour établir les besoins d’entraide. Les membres font aussi part de leurs difficultés techniques pour lesquelles l’association tente de trouver des solutions seule ou en faisant appel à un intervenant extérieur. En plus des activités axées sur les aspects de production, les associations interviennent aussi sur le stockage des marchandises des membres, ceci pour mieux contrôler la commercialisation des produits.

C’est d’ailleurs autour de ces aspects de commercialisation des produits que s’est construite l’union des associations de production Fivondronan’ny Firambany’ny Mpamboly Voanjo (FFMVA). Créée en 2002 autour de la culture d’arachide, les buts initiaux de l’union ont été de fédérer les producteurs déjà associés et de les représenter pour que ceux-ci puissent obtenir de meilleures conditions de vente, via la négociation et la vente de quantités plus importantes. De l’arachide, les activités de l’union se sont peu à peu élargies aux autres productions présentes dans la zone où le lojy black eyes était peu à peu devenu une des cultures principales. L’union représente aujourd’hui 24 associations de producteurs pour lesquelles elle fait l’interface avec l’environnement de services et de marché. Elle répond aux demandes des associations pour la formation ou la résolution de problèmes techniques par la recherche de prestataires pouvant répondre aux besoins (notamment via l’aide du CSA local), et propose aux adhérents de devenir le seul organe de commercialisation de leurs productions, afin de devenir un interlocuteur de poids dans la filière et pouvoir négocier des ventes ou des contrats plus intéressants pour les agriculteurs, c’est-à-dire un meilleur prix de vente, des négociations directes avec les exportateurs, etc. L’union intervient aussi pour la diffusion des innovations : lors des réunions annuelles avec les présidents des associations, les difficultés auxquels font face les producteurs sont pris en compte et discutés, puis les membres choisissent ensuite les moyens de résoudre ces problèmes. L’union a, par exemple, avec l’aide de ses producteurs, établi un système de contrôle de la qualité du black eyes produit afin que les producteurs sachent si leur récolte correspond aux critères requis par le marché. En plus de l’application d’une technique d’échantillonnage et dans cette optique de contrôle de la qualité, l’union a mis en place un cahier des charges afin que les productions présentent une certaine homogénéité et qu’elles tendent vers la meilleure qualité possible.

Commercialisation : rôle de l’union et difficultés

Comment se déroule la commercialisation des productions par l’union ? Les producteurs stockent leurs récoltes via leur association, chez un des membres ou dans un bâtiment de stockage collectif et font état de la récolte à l’union. L’union commence alors à chercher des acheteurs potentiels, notamment hors Ambato Ambamiray, pour ces produits. L’union et l’acheteur négocient le prix de vente, les quantités et le mode de livraison. Cette activité de commercialisation de l’union est tout à fait remarquable car la majorité des formes associatives et de regroupements ne s’occupent que des aspects de production. Dans ce cas-ci, pourtant, le but même de l’association est d’aider les agriculteurs à maîtriser la commercialisation de leurs produits grâce à son appui.

Cette démarche est-elle bien adaptée aux besoins des producteurs ? Les producteurs et le président de l’union ont un point de vue divergent sur les résultats de l’action menée par l’union. Tout d’abord, la mise en relation des producteurs et des acheteurs se fait après la récolte, sur un mode proche du marché au comptant local, à la différence que l’on recherche une meilleure offre (acheteurs en aval, plus grande quantité) au détriment de la rapidité de l’échange. Et c’est justement cette rapidité de l’échange qui fait la force du marché local : les producteurs ont une rentrée d’argent rapide répondant à leur souci de trésorerie car c’est à ce niveau que se situe la contrainte la plus forte pour les agriculteurs : une rentrée rapide d’argent leur permet de subvenir aux besoins familiaux et de rembourser les créances contractées. Le temps nécessaire à l’union pour rechercher et se mettre en contact avec l’acheteur est souvent un facteur détournant les producteurs de la vente via l’union. De plus, cette recherche d’acheteur après récolte comporte le risque que l’union ne puisse pas trouver rapidement un acheteur pour les produits récoltés ce qui pousse davantage les producteurs adhérents à s’orienter vers le marché local. D’après les informations collectées sur le terrain, seulement un quart du black eyes produit par les associations est vendu à travers l’union (soit 100 tonnes sur 400 tonnes).

Un modèle associatif prometteur mais encore en maturation

Malgré ces dernières remarques sur les dysfonctionnements des relations entre union et producteurs adhérents, l’action menée par l’union est prometteuse et intéressante, et le sera d’autant plus à partir du moment où sera mieux prise en considération la contrainte fondamentale de trésorerie des producteurs. Les solutions envisageables seraient une mise en relation plus en amont entre producteurs et acheteurs, voire la mise en place d’un vrai système de contractualisation avec engagement de chaque partie, ou encore l’utilisation de systèmes de warrantage, comme les greniers communautaires villageois qui commencent à émerger un peu partout à Madagascar à travers l’action des agences de microcrédit. L’articulation des associations, orientées vers les aspects techniques de production, et de l’union, s’occupant de la représentation et des aspects de commercialisation, est pertinente, et semble être la plus efficace. Ce modèle associatif développé dans la zone d’Ambato Ambamiray a ainsi tout intérêt à être poursuivi, les résultats en termes techniques le prouvent, mais il sera nécessaire de mieux s’adapter aux nécessités des producteurs afin qu’il devienne totalement efficace et assurer ainsi sa pérennité.

Pour plus de détails, voir l’étude complète ci-après.