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Les paysans malgaches jouent la carte de la qualité pour un accès plus équitable au marché mondial
vendredi 12 mars 2010
Du girofle au litchi en passant par le café, l’est de Madagascar est l’une des régions les plus riches en termes de produits d’exportation - l’incessante activité du port de Tamatave en témoigne quotidiennement. Pourtant, cette région est également extrêmement pauvre : 87,9 pour cent de la population rurale vit en dessous du seuil de la pauvreté. Pour les producteurs de la région, les récentes fluctuations et l’effondrement du prix mondial des produits dont ils vivent représentent un défi immense, d’autant plus que la région est exposée à des cyclones dévastateurs de plus en plus violents et fréquents, et à une baisse des rendements due au manque de renouvellement du matériel végétal.
« En plus des difficultés de production des agriculteurs locaux, les circuits de commercialisation traditionnels ont tendance à favoriser les intermédiaires plutôt que les producteurs, explique Benoît Thierry, chargé des programmes de développement rural à Madagascar, au Fonds international de développement agricole (FIDA), ce qui réduit considérablement leur marge de profit. C’est sur ces deux points : l’amélioration de la production et de la productivité, et l’accès équitable au marché que se concentre le Programme de promotion des revenus ruraux. »
Le programme, financé par le FIDA, le Fonds de l’OPEP et le Gouvernement de Madagascar, vient en appui aux organisations paysannes des régions d’Analanjirofo et d’Atsinanana afin d’améliorer les revenus des producteurs pauvres de ces deux régions et réduire ainsi la pauvreté en zone rurale. D’une durée de huit ans, il a démarré en 2004 et s’est concentré initialement sur le développement de sept pôles de production à Analanjirofo. En début d’année 2008, il a étendu ses activités dans la région d’Atsinanana.
Interventions ciblées sur toute la ligne
« Dès le début, nous avons mis l’accent sur l’amélioration des rendements et de la qualité des produits, explique Sesy Soja, coordonateur du programme. Puis nous avons aidé les organisations paysannes à réduire le nombre d’intermédiaires pour qu’elles puissent s’assurer un meilleur revenu. »
Durant ses quatre premières années, le programme a financé 144 micro-projets et 90 autres sont en cours depuis le début de l’année 2008. Les micro-projets agricoles tels que le soutien à la production de piment, de manioc, de maïs ou de cultures maraîchères, ont bénéficié de matériel agricole et de semences, et du matériel spécialisé a été mis à disposition des projets d’élevage (apiculture, aviculture, pisciculture, élevage porcin) ; des projets de transformation comme la production d’huiles essentielles ou le décorticage du riz paddy ; des projets de pêche et des projets de production artisanale.
Le programme a également mis en place un appui technique accessible à l’ensemble des producteurs des sept pôles. Quinze conseillers agricoles ont suivi les micro-projets et les organisations paysannes des zones du projet, depuis leur mise en place jusqu’à l’aboutissement de résultats. Leur rôle est d’amener les agriculteurs à améliorer les techniques de production ainsi que de restaurer la fertilité du sol afin d’accroître les rendements. Et pour assurer la continuité de leurs actions, ils ont formé 43 paysans vulgarisateurs qui se chargent du partage de l’information au sein des différents pôles.
Le programme a également procédé au renouvellement progressif des vieux plants, tout en incitant les producteurs à entretenir et à mieux soigner les plants existants pour améliorer leur rendement. Ces actions concernent essentiellement les productions à long cycle comme les épices et les arbres fruitiers tels que le giroflier, le litchi ou le poivrier.
« Les producteurs ont peu à peu pris conscience de l’importance de la qualité de leurs produits, explique Sesy Soja, et que les pratiques consistant à offrir des produits frelatés pour gagner plus, comme dans le cas des huiles essentielles mélangées à d’autres huiles, n’est pas rentable. Ils demandent maintenant à pouvoir développer la traçabilité de leurs produits afin de fidéliser les partenaires économiques. » Pour répondre aux besoins des producteurs, le programme prévoit de labéliser certains produits.
L’accès au crédit reste une priorité
Pour favoriser l’accès au microcrédit aux producteurs ruraux, le programme a contribué à réhabiliter sept points services de l’OTIV, une structure locale de microcrédit mutualiste. Différentes formules de prêts ont été développées, comme les crédits agricoles ou de subsistance, les crédits de soudure ou de greniers communs villageois (GVC), les crédits de petit élevage ou de matériel agricole ou les crédits pour les groupements et unions.
Le programme a financé la construction de cinq greniers communs villageois afin de permettre aux paysans de stocker leur production pour une vente ultérieure en période de soudure, période pendant laquelle les prix sont plus intéressants. Ces stocks servent en outre de garantie à l’obtention de prêts.
Le programme a également mis en place un fonds d’urgence post-cyclonique pour aider à la réparation des dégâts après le passage des cyclones. En effet, le sud-est de Madagascar est une zone particulièrement exposée aux cyclones - il faut compter en moyenne entre trois et quatre cyclones dévastateurs durant le premier trimestre de chaque année, ce qui met en jeu la durabilité des systèmes de production.
Les circuits de commercialisation traditionnels ne favorisant pas une marge adéquate aux producteurs, le programme a mis en place des centres d’accès au marché (CAM). « Nous assurons la construction et le fonctionnement de sept CAM dans les 7 pôles de la région d’Analanjirofo, explique Sesy Soja, et nous en préparons maintenant trois autres depuis le début de 2008. »
Ces structures, gérées par des coopératives d’organisations paysannes regroupées par pôles et encadrées par des techniciens, interviennent dans la commercialisation des produits agricoles. Les CAM, lieu d’échange entre opérateurs économiques et producteurs, assurent la signature de partenariats entre ces derniers. Ils constituent aussi des centres de collecte et de stockage de certains produits comme le riz paddy, le miel, les huiles essentielles, le piment et autres fruits et épices comme le litchi et le girofle. En ce qui concerne le riz, les CAM jouent le rôle de greniers communs villageois en achetant et en stockant le riz pendant la période de récolte pour le revendre au besoin aux producteurs durant la période de soudure. Ils peuvent abriter aussi des équipements de transformations comme des alambics ou des décortiqueuses.
Malheureusement, les CAM ne sont pas encore entièrement autonomes, notamment en ce qui concerne la gestion et l’organisation interne. Les problèmes d’organisation et les faibles quantités de produits qu’ils stockent ne leur permettent ainsi pas de réaliser les marges espérées. Pour les aider, le programme met à leur disposition des assistants de gestion qui les appuient dans leurs démarches et assurent la formation du personnel.
Malgré les difficultés de démarrage, les CAM contribuent à garantir un meilleur revenu aux producteurs, bien supérieur à celui qu’ils perçoivent dans le circuit de commercialisation traditionnel, où les collecteurs locaux sont ceux qui font les plus gros profits.
Si les activités du programme sont assurément favorables pour les producteurs, il reste encore de nombreux Fonkontany à couvrir et le projet étend progressivement sa zone d’intervention. En ce qui concerne les micro-projets, seuls 26 pour cent des requêtes ont été satisfaites et il reste beaucoup à faire. Le renforcement de la base productive est un processus long, et s’il est couplé à une commercialisation plus directe, il entraînera certainement une amélioration du niveau de vie de ses populations. Déjà, l’impact du programme se fait sentir à l’échelle nationale : les régions d’Analanjirofo et d’Atsinanana se désenclavent progressivement grâce aux CAMs et aux infrastructures de développement.
Capo-Chichi Marlène - octobre 2008
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