PROJET POUR LA PROMOTION
DES PETITES ET MICRO-ENTREPRISES RURALES

Le livre

Pour que la greffe prenne

Au cours des rencontres et des diverses discussions engagées avec tous les partenaires/bénéficiaires (ou stakeholders) du PPMER, les observations suivantes ont été retenues :

  • La mobilisation des petites et micro entreprises rurale a été une réussite, non seulement elle a touché la zone d'action du projet, mais ses effets ont porté aussi à l'extérieur de cette zone, surtout pour l'alphabétisation fonctionnelle et l'organisation des pmer par filière.
  • Les pmer ont sensiblement amélioré leurs méthodes de travail: elles se sont structurées, organisées, professionnalisées...
  • Les formations données aux pmer leur ont permis d'améliorer leur façon de travailler. Beaucoup savent maintenant faire des calculs de rentabilité ou prendre des décisions face à l'évolution du marché.
  • L'apprentissage des métiers pour les jeunes a fourni une main d'œuvre spécialisée et compétente qui a contribué à la productivité des entreprises existantes.
  • Les voyages d'études et les formations en technologie appropriées ont fait émerger en milieu rural des ateliers compétitifs avec des entrepreneurs innovants qui, parfois, utilisent des équipements de leur propre fabrication.
  • Les femmes entrepreneurs qui transforment les produits agricoles sont contentes de l'appréciation de leurs produits : ce nouveau marché semble florissant même s'il reste des problèmes à résoudre au niveau de l'emballage et de l'hygiène.
  • Enfin, le niveau de vie des pmer s'est nettement amélioré : la plupart des pmer ont acquis des matériels et équipements plus performants, augmenté leurs stocks de matières premières et acheté des biens divers grâce aux bénéfices de leurs entreprises. Les pmer qui ont bénéficié du projet sont devenues en moyenne deux fois plus « riches » que les autres...

1 Pourquoi cette réussite globale ?

Les facteurs les plus importants de réussite du projet ont été :

  • la motivation et le pragmatisme des bénéficiaires;
  • la cohérence et le dynamisme de l'équipe du projet, depuis l'unité de coordination du projet jusqu'aux encadreurs des pmer dans les districts;
  • la collaboration étroite entre tous les intervenants : les Ministères partenaires techniques, le FIDA, les institutions financières, les autorités administratives locales et les organisations professionnelles de pmer.

Méthodologie

Rappelons l'excellence de l'approche méthodologique du projet en deux temps, la sensibilisation étant un préalable à toute action, en particulier dans les domaines de la formation et du crédit :

  • Composante I : Mobilisation et organisation des producteurs
  • Composante II : Appui aux petites et micro entreprises rurales

Mise en Œuvre

Elle a été remarquable grâce à :

  • un management en phase avec la demande des pmer;
  • la qualité et la motivation de toute l'équipe du projet, des responsables nationaux et provinciaux jusqu'aux encadreurs sur le terrain (ALP);
  • la confiance des micro-entrepreneurs cibles vis-à-vis du PPPMER.

Soutien Institutionnel

Enfin, n’oublions pas la réelle collaboration du projet avec les institutions locales et internationales. Elle a facilité la mise en œuvre du projet et ses réorientations successives en fonction des contraintes du terrain. Le dynamisme du management a été encouragé dans sa créativité et non freiné par des procédures bureaucratiques, ce qui est un élément primordial de succès dans un projet de développement.

2 Pour une formation plus pragmatique

Les résultats sont étonnants par rapport aux sommes engagées. Néanmoins, nous évoquerons ici quelques dysfonctionnements qui pourraient être facilement corrigés pour renforcer l'impact du projet sur le long terme.

a) Insuffisance de la formation technique

La formation technique ne représente que 12,7% du coût total de la formation. D'après les nombreuses enquêtes menées sur le terrain, elle semble insuffisante par rapport aux demandes des pmer, en particulier celles qui sont dans le domaine productif ou artisanal.
Il faudrait aussi renforcer la formation des Conseillers d’Entreprise dans le domaine technique pour qu’ils puissent devenir de véritables médiateurs technologiques au niveau local. Ce serait aussi une façon de les institutionnaliser en les rendant indispensables.

Pourcentage du coût de chaque formation

Formation partenaires techniques (PTI)

0.5%

Sensibilisation et identification des pmer

1.7%

Formation du personnel Unité de Coordination

5.9%

Structuration Groupes de Caution solidaire

0.7%

Formation préparation projets et gestion crédits

6.1%

Formation ALP, Représentants préfectoraux et CE

1.1%

Formation en organisation des associations

2.0%

Formation en gestion et comptabilité

5.5%

Carburant de formation

8.2%

Information et documentation

6.1%

Formation des apprentis

24.1%

Alphabétisation fonctionnelle

4.8%

Participation aux foires

1.4%

Voyages d'études des pmer

1.3%

Formation Comité des Institutions financières

3.0%

Formation en technologie

12.7%

Journées portes ouvertes

0.9%

Appui aux organisations professionnelles

5.8%

Appui à l'environnement légal des pmer

2.3%

Formation en esprit d'entreprise (y compris CE)

0.6%

Ateliers de préparation du PPPMER II

5.0%

TOTAL

100.0%

Source : Administration et Finances du PPPMER

b) Une adaptation nécessaire

Les manuels de formation ne prennent pas assez en compte le niveau d’éducation des ruraux, en particulier ceux des néo-alphabètes. Pourquoi ne pas simplifier ces manuels pour les rendre accessibles et, ainsi, améliorer les capacités de gestion des bénéficiaires? En effet, de nombreuses pmer rencontrées sur le terrain n’ont pas semblé performantes en comptabilité, en particulier pour les travaux de fin d'exercice (bilan, compte d'exploitation, stock, amortissement).

Nous illustrerons ce propos par les exemples suivants à Ruhangeri et Umutara:

série 1 = Tenue correcte des livres comptables
série 2 = Mauvaise tenue des livres
série 3 = Suspension temporelle de la tenue des livres
série 4 = Abandon total de la tenue des livres

Environ 50% des pmer formées à Ruhengeri tiennent des livres comptables (« bien » pour plus de 25% des pmer) et 30% à Umutara (« mal » pour plus de la moitié d'entre elles), Byumba connaissant une situation intermédiaire.

La formation en comptabilité et gestion est donc inadaptée pour la majorité des pmer du projet et il est difficile pour des entrepreneurs peu éduqués de suivre et de bénéficier des formations telles qu’elles sont données aujourd’hui en gestion.

c) Autres besoins

Pour la pérennisation des acquis du projet, les formations des bénéficiaires sont aussi à renforcer (ou initier) dans les domaines suivants :

  • recyclages des entrepreneurs,
  • organisation des associations,
  • management et gestion des crédits,
  • voyages d'études et échange d'expérience des pmer dans le pays et même la sous-région, en particulier dans le domaine technique,
  • cours de langue, dont l’anglais et le français qui sont des langues d'affaires dans la région…

De même, les programmes d'apprentissage devraient tenir compte de la diversification des métiers et ne pas se limiter aux métiers de couture et de menuiserie qui forment actuellement plus de 78% des apprentis.

Apprenti raboteur

3 La pérennité du projet

Avec le redéploiement du projet a l'échelle nationale et son désengagement des provinces de Ruhengeri, Byumba et Umutara, quelques questions méritent d'être posées.

a) Anciennes zones (PPPMER)

Quid des organisations professionnelles (OP) ?

Les Organisations Professionnelles et les Conseillers d’entreprises ont été mis en place pour préparer la relève auprès des bénéficiaires en gestion et appui/conseil après le projet. Cependant, les OP n'ont pas reçu une formation suffisante en gestion, management, organisation ; beaucoup d'entre elles ne possèdent pas de bureau, malgré une réelle coopération des administrations provinciales qui ne disposent pas assez de bâtiments ; d'autres OP n’ont pas d’équipement et de fonds de roulement pour travailler.

De même, quid de la pérennisation des OP sans cotisations ? Il y a parfois des cotisations ordinaires (20.000 Frw/an/filière) et extraordinaires (10% à 20% du salaire des formateurs y compris les CE). Certains Corps de métiers ont d'ailleurs adopté ce modèle pour financer les Halls d’exposition, mais d'autres reçoivent des cotisations à peine suffisante pour fonctionner (2.000 Frw/an/filière).

Cependant, la gestion actuelle de plusieurs Fédérations et Corps de métiers reste remarquable vu le nombre d’années restreint de ces structures. Par exemple, la FECAR - Fédération des Collectifs des Artisans de Ruhengeri – joue déjà un rôle important dans la Province. En effet, c’est grâce à son dynamisme que le Hall d’exposition vente a été construit à Ruhengéri. Alors que le budget alloué par le projet était insuffisant, elle a su motiver les artisans pour qu’ils participent à 42% des frais de construction.

Enfin, avec le désengagement du projet, le passage du flambeau aux Corps de métiers est relativement réussi : ils assurent aujourd'hui le paiement des CE et l'organisation des formations. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux cherchent à récupérer les taxes perçues par l’administration sur les marchés pour consolider leurs finances...

Quid des CE après le départ du projet ?

Les pmer étant des entreprises ayant un niveau de formation très faible, leur réussite est étroitement liée à un encadrement continu et soutenu. Or le nombre des CE est insuffisant. 37 CE resteraient en place sur les 70 formés dans les 16 districts touchés par le PPPMER alors que les Conseillers d’entreprise jouent un rôle essentiel pour les pmer, en particulier dans cette phase de désengagement: recyclage en gestion, suivi de leur formation technique, préparation/suivi de leurs dossiers en microfinance, etc.
Les CE sont très appréciés par les bénéficiaires pour cette aide ponctuelle et parfois, cruciale. Leur spécificité est d’être issus du milieu puis qu’ils sont choisis parmi les pmer les plus performantes: ils ont donc la confiance de leur collègues et ils connaissent bien leurs besoins.

Car les CE sont devenus stratégiques : ce sont eux qui assurent désormais le maintien du chaînon manquant depuis le départ des ALP. Qui paiera leur salaire après le projet - 10.000 FRw/mois pour deux jours de travail par semaine plus la dotation d'un vélo - ? L'avis est partagé et rares sont les Corps de métiers, comme celui d’Humure, qui se disent prêts à les payer. Néanmoins, quand le marché existe, la motivation semble plus forte et le paiement de leur salaire moins problématique...

b) Nouvelles zones (PPPMER II)
  • Quid des PSE ?
  • Quid des ALP ?
  • Quid du contrôle des PSE/ALP par l'Unité de Coordination du Projet ?

Le dynamisme des ALP ne risque-t-il pas de faiblir dans la phase II du projet quand ils seront directement recrutés par des Prestataires de Service Externes (PSE) ? Ces PSE auront-ils les moyens d’investir les sommes nécessaires dans cette approche terrain ? C'est une question fondamentale : si le rouage des ALP se grippe, toute la stratégie du projet sera ébranlée, à commencer par la sensibilisation et la formation des pmer...

c) Quelques recommandations

Crédits, Fonds de crédit et adaptation des produits financiers

Evoquons ici les problèmes les plus cruciaux des microentrepreneurs :

1. Crédit coup de pouce. Des améliorations ont été faites au cours du projet car, au début, il fallait rembourser dès les 15 premiers jours. Néanmoins, il faudrait encore aménager les différés, raccourcir les délais entre la formation des entrepreneurs et l’obtention des crédits, faciliter l'accès au crédit des apprentis.
Ne pourrait-on pas généraliser le crédit coup de pouce et augmenter les capacités de crédit des IMF en doublant les fonds de crédit des bonnes caisses (de 3 millions de Frw à 6 millions) ? De même, la création de mutuelles d’épargne et de crédits avec les Corps de métiers a été un des succès du projet et l'on doit renforcer la sensibilisation des pmer à l'épargne pour faciliter la mise en place de nouvelles IMF.

2. Crédit ordinaire. Il faut diminuer le niveau des garanties exigées par les Banques Populaires (souvent 200%) et installer des produits financiers adaptés aux besoins des artisans en calculant des différés selon les activités financées. Les crédits sont insuffisants pour les entrepreneurs dynamiques. Par exemple, il est difficile aujourd’hui de faire financer un poste à soudure (400.000 FRw) ou un moulin pour fabriquer de l’aliment à bétail (1 million FRw). Ne parlons pas du financement d’un combiné pour un menuisier (de 4 à 7 millions FRw) ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les plus habiles d'entre eux fabriquent leurs propres outils...


Paiement des formations ?

La formation ne coûte que 25% du coût total du projet alors qu'elle en est l'une des pièces maîtresses, voir la justification fondamentale. Cependant, il n'est pas possible de la faire payer dans un premier temps car les bénéficiaires ne sont pas motivés: il faut qu'ils goûtent à la formation et qu’ils en comprennent l’intérêt pour en avoir envie. Et c'est seulement après l'octroi de formations apprécies par les bénéficiaires que l'on peut songer à les facturer en adaptant les coûts aux capacités de paiement des différentes catégories de pmer : activités de survie, entreprises émergentes ou entreprises en croissance...

Propositions pour la formation de micro entrepreneurs dans le PPPMER II

Cibles

Formation subventionnée

Formation payante

Pmer de survie

Alphabétisation fonctionnelle
Formation en gestion
Formation en préparation de
projets et gestion de crédits
Apprentissage
Formation technique
Formation technologie appropriée

 

Pmer émergentes

Formation en gestion
Formation en préparation de projets et gestion de crédits
Formation technique
Formation technologie appropriée
Appui technologique

Formation esprit d’entreprise (10%)
Voyages d’étude (20%)

Pmer en croissance

Formation en gestion
Formation technologie appropriée
Appui technologique

Formation en préparation de projets etgestion de crédits (10%)
Formation esprit d’entreprise (20%)
Formation technique avancée (30%)
Voyages d’étude (30%)
Etudes marketing (50%)


Faut-il faire payer la formation 20% ou plus, selon les types de pmer, au nom d'une soutenabilité qui, peut-être, est illusoire dans le contexte actuel ? Ou se contenter d'une participation de 10% ? Par principe et pour être sûr de la motivation des bénéficiaires...

Maintien de la subvention des CE dans les zones de désengagement

Le paiement des Conseillers d'entreprise par des Corps de métiers, rarement opérationnels, ou par des pmer, trop démunies ou peu motivées sauf exception, semble très aléatoire dans les Provinces où le projet est en train de se désengager. Il ne s'agit pas de fonctionnariser les CE, mais mieux vaut les subventionner que d’assister progressivement à leur disparition. En effet, c’est cette élite des pmer, enracinée dans le milieu artisanal dont elle a la confiance, qui assurera la pérennisation, voir la diffusion des acquis du projet.

En conclusion, le succès du PPMER est dû à trois raisons essentielles :

1° Sa méthodologie qui a privilégié la mobilisation et la sensibilisation sur le terrain avant toute action: c'est un préalable nécessaire, voir indispensable dans un milieu où les entrepreneurs sont souvent incapables d’identifier leurs besoins et de formuler une demande en formation ou en conseil sans parler de leur méfiance atavique vis-à-vis des fonctionnaires, des bureaucrates et de leurs représentants modernes, les développeurs.

Guérisseuse en train de cueillir des plantes

2° Sa réponse aux véritables demandes des pmer depuis l’alphabétisation et l’apprentissage jusqu'aux formations en management et en technologie et, enfin, l’accès au crédit. En effet, même si des critiques viennent d'être émises sur le déficit en formation technique, le PPMER s’est attaché à répondre aux besoins des pmer dans un cadre artisanal (formation en cascade) qui correspondait à leurs demandes primordiales.

3° Last but not least, le management dynamique et flexible du projet qui a bénéficié, de surcroît, d’un soutien institutionnel éclairé. Sans l’implication au quotidien de toute la chaîne du projet – du coordonnateur à l’ALP – de tels résultats n’auraient pas été obtenus.

Gageons que cette stratégie en résonance avec le terrain soit confortée si ce n’est amplifiée dans le cadre de la deuxième phase du projet car elle est la clef de la réussite exceptionnelle du PPPMER !

 

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