L’expérience du cofinancement de projet de développement aux Comores : étude de deux exemples.
Empiriquement, on se rend compte que ce qu’on appelle ‘cofinancement de projets de développement’ peut avoir de nombreuses formes : don ou prêt, bailleurs nationaux ou internationaux, privés ou publics… On peut d’abord estimer que tout projet est cofinancé, dans le sens où il est d’usage de conditionner un apport financier extérieur à une mobilisation financière ou en nature des bénéficiaires (gouvernement et/ou populations cibles). Il peut également s’agir du financement d’un bailleur au projet initial d’un autre bailleur, comme se fut le cas lors de la mise en place des Mecks (réseau de mutuelles d’épargne et de crédit présentes sur l’ensemble du territoire comorien) projet du FIDA* appuyé par l’Agence Française de Développement. Il peut s’agir aussi de « partenariats », où chacun des bailleurs se charge de l’exécution de projets liés, comme c’est le cas entre le FIDA et la FAO* pour la composante ‘Renforcement du cadre institutionnel’ qui sert de point de départ au PNDHD*. On trouve également des cofinancements plus complexes, comme celui qui lie le Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique (CNDRS), la Maison des Epices* et l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, la Pêche et l’Elevage (INRAPE) autour d’un laboratoire de contrôle qualité des huiles essentielles, ou comme celui qui liera sans doute le FIDA et le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), autour de l’ajout d’une composante au PNDHD. Sans faire l’état des lieux exhaustif des accords de cofinancement passés aux Comores ni des avantages et inconvénients du cofinancement des projets de développement, regarder de plus près ces deux derniers exemples permet de relever une précaution importante à prendre lors du montage d’un cofinancement.
Le PNDHD a pour objectif principal d’accroitre les revenus des ménages des populations rurales pauvres et d’améliorer leur environnement physique et leurs conditions de vie. Il viendrait peut-être s’ajouter à ce Programme une composante environnementale pointue (le Projet), financée par le Fonds pour l’Environnement Mondial. A l’heure où est rédigé cet article, le texte négocié d’accord de don est en attente de la signature du ministère de l’Agriculture. Ce cofinancement FIDA/FEM a deux particularités : Il s’agit d’un cofinancement qui se matérialisera après le démarrage du PNDHD. Ses modalités sont encore en négociation. Le PNDHD a démarré il y a plus de 6 mois et son budget est bouclé depuis mars 2007. La mise en œuvre du Projet est absolument liée à la bonne mise en œuvre du PNDHD puisqu’il doit être exécuté par le PNDHD lui-même. L’équipe qui sera chargée de cette double mise en œuvre se pose pourtant encore de nombreuses questions relatives au montage du Projet, en termes conceptuels, financiers, et de gestion. La problématique détaillée ci-dessous peut sans doute résumer l’ensemble des questions liée à l’ajout du Projet au Programme. (Il est important de noter que ces questions sont relatives à la compréhension de l’UNCP -Unité Nationale de Coordination du Programme, qui est la structure chargée de la mise en place du Programme-, et n’engagent ni ne dénigrent en rien la responsabilité du FIDA ou du FEM) Depuis Mars 2007, un apport du FEM de 1 Million USD est prévu pour venir financer certaines activités environ-nementales du PNDHD. Depuis le démarrage du Programme en Décembre 2007 la matérialisation de ce don par un Accord de Don est attendue. C’est du moins ce qu’avait compris l’UNCP ainsi que le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Environnement. Lors des négociations de cet Accord, il s’est en fait avéré qu’il s’agissait d’un projet entier à exécuter par la structure du PNDHD. Le million prévu du FEM irait donc à la réalisation de ce projet, et non pas à la réalisation des activités environ-nementales déjà prévues par le PNDHD. Le FEM, qui ne fonctionne que par cofinancement, a donc demandé au FIDA une contribution de contrepartie, qui a été évaluée sur le coût des activités du PNDHD utiles au greffage du Projet. Il n’y aurait donc pas, ni du côté du FEM, ni du côté du FIDA, de financement supplémentaire par rapport au budget initial du PNDHD, permettant la réalisation des activités du Projet. L’exemple du cofinancement du PNDHD par le FEM permet de souligner la nécessité de compréhension du montage du cofinancement d’un projet par son équipe d’exécution.
La Maison des Epices des Comores est un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) regroupant des producteurs, des préparateurs et des exportateurs des 3 cultures de rentes des Comores (vanille, girofle et ylang-ylang). Ce GIE comporte une « cellule-appui », financée par le Stabex*, qui aide à la professionnalisation de ces filières. C’est cette structure qui a permis la mise en place fonctionnelle d’un laboratoire de contrôle qualité dont les trois principales missions sont de contrôler la qualité des produits à l’exportation, d’effectuer des recherches sur l’extraction de nouvelles essences (poivre, géranium…) et d’appuyer la vulgarisation de techniques effectives auprès des producteurs et des préparateurs. Selon le protocole régissant le fonctionnement du laboratoire, il existe 3 parties cofinançant ce projet de laboratoire : le GIE, dont les professionnels devraient à terme s’organiser financièrement pour rendre la structure viable (le laboratoire marche actuellement sur le fonds Stabex), l’INRAPE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, la Pêche et l’Elevage), qui représente directement le Gouvernement, et permet donc l’accréditation des contrôles effectués, et le CNDRS (Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique), qui devrait appuyer la recherche au laboratoire (c’est d’ailleurs à ce Centre qu’appartenaient les laboratoires quand le projet a été initié). Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a un manque réel de suivi et d’évaluation de la réelle participation de chacun. Le laboratoire ne pourra pas, en l’état actuel de la situation, poursuivre ses activités sans le financement européen. Les 2 principales actions à prendre seraient les suivantes. Une réelle mobilisation du gouvernement dans sa mission de règlementation : accréditation et transferts de connaissance (le seul apport de l’INRAPE au laboratoire aujourd’hui consiste en l’emploi d’un technicien laborantin), ainsi qu’une concertation effective sur les modalités de paiement des analyses par les membres du GIE (paiement direct des exportateurs, avec une répercussion sur le prix payés aux préparateurs et aux producteurs, par exemple). Cet exemple pose donc la question de la pérennisation des projets cofinancés : chaque partie doit être pleinement consciente de sa responsabilité afin de mener au mieux ses missions et préparer une pérennisation efficace des activités.
Que ce soit donc lors du montage d’un cofinancement de projet, ou lorsque se pose la question de la pérennisation des actions, l’assurance de la compréhension de toutes les parties quand aux tâches de chacun, semble être une condition sine qua none à la réalisation de projets efficaces. Raphaëlle Héron * FIDA= Fonds International pour le Développement Agricole, agence de l’ONU. FAO= Food and Agriculture Organisation, ou Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture, agence de l’ONU. Maison des Epices= Groupement d’Intérêt Economique Comorien regroupant les professionnels des cultures de rentes : vanille, ylang, girofle. PNDHD=Programme National de Dévelop-pement Humain Durable, 5ème intervention du FIDA aux Comores. STABEX= Fonds européen favorisant la stabilité des exportations.