PROSPERER
jeudi 27 novembre 2008
Située en plein cœur de Madagascar, l’Itasy est une région dotée d’un fort potentiel, qu’il s’agisse de ses ressources naturelles, de sa position géo-stratégique ou encore de son histoire. Grâce à sa position de proximité avec la capitale, la région a su développer des relations commerciales à destination quasi-exclusive des marchés d’Antananarivo, tout en misant sur son développement interne afin d’en faciliter les interactions. Elle exporte ainsi ses productions agricole, d’élevage et artisanales et veille à l’entretien des deux routes nationales RN1 et RN43 qui servent à l’acheminement des marchandises. Le paysage régional bénéficie de plus d’une pluralité dans ses richesses, du sous-sol jusqu’à la diversité même de ses paysages, propices au développement du tourisme.
Le programme de soutien aux pôles de micro-entreprises rurales et aux économies régionales (PROSPERER), financé par le Fonds international de développement agricole et dont le but est de réduire la pauvreté en milieu rural, s’est intéressé au développement de filières porteuses dans la région. La filière de la soie en particulier a attiré son attention car les activités liées à sa transformation attirent les couches les plus vulnérables de la population.
Les femmes jouent un rôle important lors du processus de transformation de la soie et les jeunes s’y intéressent de près, voyant là une opportunité de formation et d’emploi futur. Les femmes, dont le rôle économique au sein du ménage est crucial, et les jeunes, sont généralement les membres les plus vulnérables de la société et manquent souvent d’opportunités de générer des revenus. Le programme leur permet donc de développer une activité tout en fournissant appui technique et formation dans des domaines tels que la production, la transformation et les techniques artisanales, la commercialisation et les techniques et forces de vente, et la gestion-comptabilité, pour une bonne gestion des exploitations.
La soie, une filière ancrée dans la tradition
Grâce à la présence naturelle de tapias sur les districts d’Arivonimamo et de Miarinarivo, l’art de la soie n’est pas nouveau dans la région. On pratiquait déjà la filature et le tissage au XVIIème siècle, pour la production de vêtements traditionnels - les lambas - et de linceuls . L’introduction du ver à soie d’élevage Bombyx mori, sous le règne de Ranavalona Ier au début du XIXème siècle, a permis de classer la Grande Ile parmi les pays producteurs et exportateurs vers le Japon, la France et les Etats-Unis.
Cependant, bien que la filière connaisse aujourd’hui un regain d’activité, notamment grâce à l’appui d’organismes de développement tels que l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), les agences de coopération bilatérales (l’inter-coopération suisse avec le programme SAHA et le CITE sous l’impulsion de la coopération française), les bureaux d’études et organisations non-gouvernementales (Alpha-Développement, SAGE, etc.), les associations locales comme TAOLANDY, ou encore les stratégies publiques, elle se trouve confrontée à des contraintes, à la fois en terme de quantité, de qualité et de disponibilité.
Un production encore insuffisante
En premier lieu, on constate aujourd’hui un décalage entre le volume de production et la demande de matières premières. Celui-ci s’explique par divers facteurs tels que l’insuffisance de mûriers et leur manque de productivité dans le cadre de la soie d’élevage, la sous-exploitation des forêts de tapias et la concurrence d’autres usages, comme la consommation des chrysalides, les feux de brousse, destinés à la fertilisation des terres dans une perspective d’exploitation agricole et la déforestation, notamment pour la production de charbon de bois et, dans une moindre mesure, de bois de chauffe.
D’autre part, la filière malgache souffre de l’absence d’une politique de promotion des produits, ce qui réduit sa compétitivité internationale. Avec une production chinoise de deux à trois fois moins coûteuse, la production malgache ne peut rester concurrentielle sans une stratégie marketing mettant en avant la qualité des produits. D’autre part, la trop faible utilisation des nouveaux matériels, malgré les dons des programmes de divers développement qui appuient la filière, freine la diversification des produits finis et, par ce biais, empêche de profiter de façon optimale des possibilités de valorisation de la filière, et ce à tous ses échelons.
Enfin, le manque de matières premières dans la région décourage les industriels de s’établir dans la région et de participer ainsi à son rayonnement économique. De plus, le manque de coordination et d’organisation de la part des appuis régionaux n’incite ni à la formalisation des différents acteurs - ce que l’on peut retrouver dans l’absence de redistribution de la valeur ajoutée au secteur administratif, sous forme de taxes par exemple - ni à l’appui d’une structure faîtière qui pourrait faciliter la diffusion des informations commerciales.
Des gains insuffisants pour assurer la spécialisation des rôles Ces différentes contraintes sont principalement dues à un secteur productif peu motivé. En effet, si l’on s’intéresse à la répartition de la valeur ajoutée le long de la filière, celle-ci ne représente que 15 pour cent, contre 25 et 60 pour cent respectivement pour les activités de filature et de tissage. De plus, c’est aux premiers échelons de la filière que l’on trouve la plus faible rémunération de la main-d’œuvre familiale : inférieure au salaire minimum agricole, elle ne représente que 1 500 ariary (0,8 dollar) par jour. Par conséquent, les producteurs tendent à garder leur double fonction d’agriculteurs et de producteurs, leur permettant néanmoins de s’assurer une rente financière à fréquence mensuelle, voire hebdomadaire pour les filateurs.
Le faible investissement dans les biens et équipements, notamment les magnaneries, limite en outre la production en terme de quantité et de disponibilité. Les comparaisons établies entre élevages traditionnels et améliorés rapportent pourtant un résultat annuel de l’exploitation presque cinq fois supérieur dans le cas de l’élevage amélioré, mais clui-ci nécessite un investissement conséquent : selon une enquête du CITE, une magnanerie demande un investissement initial d’environ 2 200 000 ariary, soit presque 1 500 dollars.
Cependant, la simple augmentation des volumes de production ne répond qu’en partie au problème d’approvisionnement en matières premières, car elle ne favorise pas la main-d’œuvre familiale dans le cadre d’un élevage traditionnel, ni la pérennité du système d’exploitation dans le cadre d’un élevage amélioré. Dans tous les cas, si les élevages traditionnels sont ceux qui nécessitent la plus grande formalisation, ce n’est pas cette solution qui semble y répondre au mieux. En revanche, c’est en encourageant la spécialisation des producteurs plutôt que la diversification de leurs activités que l’on observe la plus grande valorisation de la main-d’œuvre familiale, dans un cas comme dans l’autre. Pour compléter cette étude, il faudrait cependant s’intéresser à la valorisation de la main-d’œuvre familiale dans le cadre d’activités agricoles, afin de mesurer les performances que peut enregistrer une stratégie de diversification, ou au contraire, de spécialisation.
A l’heure actuelle, la stratégie paysanne se base généralement sur la diversification des activités agricole pour pallier aux contraintes relatives à la production de matières premières. La plate-forme faîtière de la filière Soie, Vondrona Mandrindra ny Seha-pihariana Landy (VMSL), commence tout juste à jouer le rôle de diffuseur d’informations commerciales, tout en permettant la représentativité de tous les acteurs au sein de son bureau. Lancée sous l’impulsion du GTDR, elle a été créée dans le but de mieux structurer la filière, notamment à l’échelle régionale et nationale, ce qui aura un impact certain sur son pouvoir décisionnel. De plus, au sein même de la filière, elle peut faciliter l’accès à différents services, notamment techniques et financiers.
Des activités de soutien pour le secteur
L’impact du développement de la filière rayonne autour d’autres secteurs d’activités, tels que la broderie et la menuiserie, sous réserve d’offrir aux menuisiers une formation concernant la fabrication de nouvelles techniques (comme les métiers à tisser grande largeur). La réactivation de la filière peut également servir de tremplin au développement de l’éco-tourisme, afin de permettre au consommateur, tananarivien ou étranger, de comprendre d’où vient le produit qu’il aime acheter. D’autre part, les matières de substitution habituellement perçues comme directes concurrentes telles que le coton ou les fibres synthétiques peuvent être mélangées avec la soie afin d’offrir une plus grande diversification des produits. Reste un point sensible : la concurrence avec l’agriculture, qui remet éternellement en jeu la question de la diversification au détriment de la professionnalisation.
La dynamisation de la filière soie passera nécessairement par une meilleure structuration de celle-ci, rôle que peut jouer la plate-forme VMSL, mais seulement si elle est également appuyée par les pouvoirs publics. Le partenariat entre les secteurs public et privé peut permettre la résorption des difficultés rencontrées, mais seulement si les partenaires publics abordent de réelles réflexions, concernant notamment la question foncière, ainsi qu’un appui aux communautés de base ; les VOI, pour préserver les ressources naturelles ; une véritable politique marketing sur la promotion des produits avec, éventuellement, des conventions de partenariats avec les pays clients comme l’Union Européenne ou les Etats-Unis ; le renforcement des accords régionaux tels que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la Commission de l’Océan Indien (COI) ou le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) afin d’avoir plus de poids sur la communauté internationale ; et un appui des plate-formes faîtières de filières reconnues dans le plan régional de développement, par exemple par la mise à disposition de matériels, d’une ligne spécifique dans le budget régional afin d’encourager les manifestations, couplées à une évaluation régulière par un organisme indépendant afin de s’assurer du bon fonctionnement de cette collaboration.
Anne-Sixtine VIALLE-GUERIN - Juillet 2008
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