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Opportunités économiques de la filière pêche et pisciculture dans la région de l’Itasy, à Madagascar

lundi 15 décembre 2008

La filière pêche et pisciculture a connu divers changement au cours des vingt dernières années. Meilleur marché que la viande, elle était avant tout consommée localement. Dans les années 1990, la situation a radicalement changé : la production a triplé sous l’impulsion des agences de coopération étrangères qui ont introduit des espèces plus productives ou à meilleur rendement, les volumes de commercialisation ont suivi les tendances de progression et les écarts de prix se sont considérablement réduits, si bien qu’il revient aujourd’hui aussi cher de consommer de la viande que du poisson. Regard sur une filière complexe encore à perfectionner.


L’essor de l’aquaculture à Madagascar peut être imputé à plusieurs facteurs, notamment l’appauvrissement des ressources halieutiques naturelles en milieu continental comme en milieu maritime. Les paysans qui avaient déjà acquis un certain degré de professionnalisme ont dû se réorienter sur de nouvelles stratégies de production, dont la pisciculture. Cependant, celle-ci demande d’autres investissements que ceux recensés pour la pêche, notamment un réapprovisionnement d’alevins à chaque campagne de production, et une gestion comptable de l’exploitation afin d’assurer la pérennité du système d’exploitation.

D’autre part, le secteur maritime a véritablement orienté sa production sur le marché international, dominée par la crevetticulture. Il y a donc une dichotomie très nette entre la production maritime, orientée vers l’exportation, et la production continentale, qui tente de satisfaire la demande nationale. Cette dernière n’est satisfaite qu’en partie, puisque, sur l’exemple de la région Itasy, l’un des principaux fournisseurs des marchés d’Antananarivo, la production actuelle ne couvre qu’un sixième de la demande nationale. À elle seule, la région devrait produire trois fois plus et n’orienter sa production que sur la capitale (une fois exclue la part consommée localement).

Itasy bénéficie d’une situation préférentielle, de par ses richesses aquatiques naturelles. La présence du Lac Itasy, quatrième plus grand lac continental de la Grande Île, ainsi que des lacs avoisinants, vestiges d’une ancienne activité volcanique, permettent l’exploitation de plus de 4 000 ha de points d’eau, pour 3 220 pisciculteurs formels recensés, soit 2,25% des actifs de la région. Le secteur informel, peu enclin à respecter les périodes de fermeture des pêches, est également très présent, principalement à cause des taxes et des ristournes à payer. Des enquêtes de terrain qualitatives ont permis le recensement d’environ 4 500 pêcheurs, soit 20% de l’ensemble des pêcheurs continentaux de Madagascar.

Agriculteurs-pêcheurs ou pêcheurs-agriculteurs ?

Si la filière bénéficie d’un certain intérêt de la part des paysans et qu’elle a été appuyée par plusieurs programmes de développement, c’est d’une part dans un souci d’amélioration et de diversification du régime alimentaire, et d’autre part par les réelles opportunités économiques qu’elle peut mettre en avant, ne serait-ce que vis-à-vis du marché national. En effet, devant une demande non satisfaite et des consommateurs prêts à payer le double pour des produits d’eau douce qu’ils n’accorderaient aux produits maritimes, la filière génère des revenus non négligeable. De plus, il existe un intérêt de plus en plus marqué pour la pisciculture, et notamment la rizipisciculture, qui permet de diversifier les activités de production. Ainsi, la filière a rendu floue la frontière entre agriculture et pêche, et les paysans eux-même se considèrent comme agriculteurs-pêcheurs ou pêcheurs-agriculteurs. Il est parfois difficile de déterminer quelle est leur activité principale, d’autant plus que si la pêche et la pisciculture assurent un revenu intéressant, l’agriculture (et notamment la riziculture) reste une activité essentielle pour assurer l’auto-suffisance alimentaire des familles. Pour formaliser la profession, les programmes de formation devront donc prendre en compte la complexité du contexte.

Si la filière a de réels atouts, elle se retrouve également confrontée à des contraintes de plusieurs ordres, déterminantes quant à son développement optimal, comme l’envasement des lacs ou la destruction des réseaux hydrographiques, principalement dus aux activités agricoles pratiquées sur les tanety (pentes abruptes théoriquement non aménageables, mais soumises à une pression démographique et foncière), ou le détournement des cours d’eau via le développement d’ouvrages hydrauliques de retenue.

En ce qui concerne la commercialisation, le réseau routier principal est relativement bien structuré, mais le réseau secondaire est nettement moins fiable, ce qui constitue un frein à la réelle valorisation des produits.

Il serait par ailleurs intéressant d’étudier les différentes possibilités d’implantation de lieux de transformation et surtout de conditionnement, à la fois à proximité des lieux de production et reliant les centres de consommation, notamment les marchés de la capitale. Tout en essayant de satisfaire au mieux la demande, il pourrait s’avérer rentable de travailler sur la transformation des productions halieutiques en filets. Il convient cependant,de réaliser au préalable une enquête auprès des consommateurs afin de déterminer leurs réelles attentes, car les techniques de conservation, qu’elles aient trait à la congélation, le séchage-salage ou fumage, ne sont que modérément appréciées des consommateurs. Analavory pourrait être un lieu d’implantation intéressant, à la fois proche du lac Itasy et pont routier entre les différentes régions, et relativement proche d’Antananarivo.

De nombreuses difficultés persistent encore

En ce qui concerne la production même, quatre problèmes semblent fondamentaux. Le premier concerne la difficulté de recensement des pisciculteurs, qui refusent de répondre aux questionnaires, lassés par le nombre d’enquêteurs qu’ils ont pu rencontrer et la non-concrétisation de leurs espérances. Un exemple significatif concerne l’inadéquation des formations vis-à-vis des besoins exprimés.

Le second touche à la difficulté d’accès aux financements, principale contrainte avancée par les pisciculteurs pour le développement de leur activité ou tout simplement pour le renouvellement du matériel de production (embarcations, filets, intrants, cages, etc.). Dans ce cas, c’est l’inadéquation des produits proposés vis-à-vis de la demande qui est en cause, et non les taux d’intérêt.

La troisième contrainte évoquée est plutôt d’origine structurelle et concerne l’absence d’une structure faîtière capable d’organiser au mieux les interactions entre les différents acteurs de la filière. Bien que la plateforme VMST soit physiquement présente, il a été reproché au président de ne pas assumer totalement son rôle et de privilégier ses activités politiques. Ainsi, la réorganisation, voire la restructuration, de la plateforme a été désignée comme l’une des priorités. Des collèges émergent, notamment le Collège des producteurs privés d’alevins qui, à terme, auront un impact positif sur l’organisation de la filière.

Enfin, le dernier point sensible concerne la période de fermeture des pêches. Entre le 15 octobre et le 15 décembre, l’activité piscicole est censée être complètement arrêtée. Cependant, le manque à gagner est notable, et en l’absence d’autres activités, la réglementation n’est pas appliquée. Bien que des formations de sensibilisation aient été effectuées, les différents programmes actuellement en cours dans la région essayent de réfléchir à une alternative qui permettrait d’aider financièrement les acteurs de manière intelligente. Ainsi, il a été envisagé de réorienter temporairement les pêcheurs vers la concrétisation des objectifs du Plan régional de développement , notamment par la construction et la réhabilitation des infrastructures routières, nécessitant une haute intensité de main-d’oeuvre. Cependant, bien que l’idée puisse satisfaire toutes les parties engagées, le problème du financement, qui n’a pas été initialement prévu dans les plans de travail annuel, reste entier.

Anne-Sixtine VIALLE-GUERIN - août 2008