Le livre
La sensibilisation des entrepreneurs (Composante
I)
Cette composante a été
caractérisée par une approche de
terrain pertinente dans un milieu difficile et
souvent rétif aux interventions extérieures.
Grâce au travail de proximité des
ALP, le projet a réussi, néanmoins,
à emporter l’adhésion des
populations.
1 Dynamisation et organisation des micro entrepreneurs
Dans le domaine de la petite
et micro entreprise, la sensibilisation n’est
pas un luxe. Il faut, en effet, convaincre les
entrepreneurs et les artisans de l’utilité
de s’organiser et d’améliorer
leur formation. Cela est souvent une gageure dans
un environnement souvent analphabète où
l’on a du mal à envisager des stratégies
sur le long terme. De plus, dans certains métiers,
le temps consacré à la formation
est du temps pris sur le travail et, par conséquent,
un manque à gagner dans un secteur dominé
par la survie.
a) Alphabétisation
La population rwandaise est peu
alphabétisée : 47,6% sont analphabètes
dont 52,2% de femmes. De plus, les écoles
professionnelles sont en nombre insuffisant même
s’il y a de bons formateurs. C'est pourquoi
le PPPMER a décidé de généraliser
l'alphabétisation fonctionnelle aux villages
environnants, ce qui n’était pas
prévu dans le projet.
b) Organisations professionnelles
Il y a au Rwanda plusieurs formes juridiques
adaptées aux pmer:
- Associations
: Ce sont des groupements de personnes qui mettent
en commun leurs connaissances ou leurs activités.
Elles opèrent dans les domaines économiques,
humanitaire, religieux, politique, syndical, sportif,
et doivent comprendre au moins sept (7) personnes
pour bénéficier de la loi sur les
associations.
- Groupements
: Ce concept désigne des organisations
créées suivant des principes coopératifs
mais qui ne sont pas encore appelées coopératives.
Le groupement doit avoir au moins 3 membres.
- Coopératives
: Les coopératives, caractérisées
par un objet social non lucratif, obéissent
au principe démocratique (une personne,
une voix), distribuent des résultats à
leurs membres au prorata de leurs transactions
avec la coopérative. Les membres sont à
la fois copropriétaires et clients, fournisseurs
ou employés de l’entreprise collective
; le capital et les membres sont variables. Les
coopératives peuvent créer une association
pour défendre les intérêts
de leurs membres ou fournir des services à
ces derniers. Une coopérative doit avoir
au moins 7 membres, mais la nouvelle loi prévoit
11 membres.
- Filières
: Notons l’importance des filières
par métiers souvent appelées clusters
en anglais quand les pmer sont rassemblées
géographiquement. Les artisans regroupés
en filière sont en effet bien plus forts
dans leur négociation avec l’administration
ou dans leur organisation professionnelle : approvisionnement,
accès au crédit, etc. Il est plus
facile d'aménager en leur sein des formations
ou des Groupes de caution solidaires (GCS). Bien
organisés, les artisans peuvent défier
la concurrence étrangère, en particulier
sous-régionale ou asiatique .
- Groupes de caution
solidaires ou GSC : Ils sont organisés
par filière (soudeurs, cordonniers, menuisiers,
mécaniciens) et jouent le rôle de
l'indispensable filtre de sécurité
pour les caisses de crédit, surtout pour
ceux qui ne présentent pas de garantie.
Ainsi, pour obtenir du crédit dans les
Mutuelles d'Epargne et de Crédit (MEC),
il faut :
- être inscrit à
la caisse depuis au moins deux mois,
- avoir payé ses cotisations
et parts sociales (environ 4.000 FRw)
- et, surtout, appartenir à
une filière et à un GSC.
2 Résultats « Mobilisation et organisation
des producteurs »
Le bilan des activités ainsi que la comparaison
entre les prévisions et les réalisations
sont les suivants.
a) Sensibilisation, mobilisation et consolidation
des pmer
Il s'agit de l'identification des bénéficiaires
du projet et de leurs besoins afin de planifier
les appuis nécessaires.
Province |
Situation
06/2004 |
Objectif
projet |
Taux
de réalisation |
Validées |
En
fonction |
Byumba |
1
782 |
1
214 |
1
100 |
110% |
Umutara |
889 |
726 |
500 |
91% |
Ruhengeri |
2
154 |
1
846 |
700 |
264% |
Total
général |
4
825 |
3
786 |
2
300 |
165% |
Souvent, de « fausses entreprises
» se sont créées pour bénéficier
des appuis du projet, en particulier financiers.
Ces pseudo entrepreneurs n’ont donc pas
été motivés (et, par conséquent,
pas validés) quand ils ont compris qu’ils
n’obtiendraient pas de crédit sans
formation préalable alors qu’ils
n’exerçaient pas d’activité.
L'objectif du projet de mobiliser 2 300 pmer a
été non seulement atteint, mais
largement dépassé (165% de taux
de réalisation).
b) Alphabétisation fonctionnelle
Le programme d'alphabétisation
fonctionnelle a été lancé
en octobre 2000. Il avait pour objectif, d'apprendre
à lire, écrire et compter aux pmer
et membres d'associations de pmer. Les populations
environnantes analphabètes, ayant manifesté
l'intérêt de suivre les cours d'alphabétisation
fonctionnelle en ont aussi bénéficié.
Province |
Bénéficiaires de l'alphabétisation fonctionnelle |
Cumul
2003 |
Apprenants
en 2004 |
Effectif
total |
Prévisions
Projet |
Taux
de réalisation |
Byumba |
1 904 |
|
2
782 |
750 |
371% |
Umutara |
1 314 |
575 |
1
889 |
625 |
302% |
Ruhengeri |
1 665 |
417 |
2
082 |
625 |
333% |
Total
général |
4
883 |
1
870 |
6
753 |
2
000 |
338% |
En tenant en compte de l'effectif
des membres des associations en milieu rural -
entre 15 et 20 personnes et même plus pour
certaines associations féminines -, les
estimations ont porté sur un nombre de
20 000 membres de pmer dont 10% - 2 000 - à
alphabétiser. Ces estimations ont été
largement dépassées.
c) Organisation des journées portes ouvertes
pour les jeunes (JPO)
L'objectif de l'activité
est de mobiliser les jeunes non scolarisés
vivant en milieu rural de l'effet des activités
génératrices de revenus en dehors
du secteur agricole. Les jeunes intéressés
à ces activités bénéficient
par la suite des possibilités d'apprendre
les différents métiers de leur choix.
A la date d'achèvement, 3 416 jeunes avaient
participé à ces journées
portes ouvertes (JPO).
d) Structuration des groupes de caution solidaire
(GCS)
La structuration des groupes
de caution solidaire a pour objet de constituer
un mécanisme de garantie aux pmer les plus
démunies pour qu'elles puissent accéder
plus facilement aux systèmes de crédit.
La mobilisation des pmer pour se constituer en
structures de cautionnement mutuel à raison
de 5 personnes par groupe devait toucher au moins
50% des pmer individuelles, soit environ 318 groupes.
Province |
Situation
au 06/2004 |
Objectif projet |
|
GCS structurés |
GCS en fonction |
Byumba |
198 |
198 |
106 |
187% |
Umutara |
65 |
65 |
57 |
114% |
Ruhengeri |
295 |
274 |
155 |
117% |
Total général |
558 |
537 |
318 |
169% |
Presque toutes les pmer qui ont reçu les
crédits coup de pouce l'ont obtenu grâce
à ce cautionnement mutuel.
e) Formation des pmer en organisation
Cette formation générale est destinée
aux pmer associatives, aux groupes de caution
solidaires et aux organisations professionnelles
de pmer. L'objectif est d'améliorer et
consolider leurs organisations et élaborer
les textes réglementaires les régissant,
entre autres les statuts et règlements
d'ordre intérieur. 1 082 organisations
ont été formées dont les
pmer associatives, les GCS et les organisations
professionnelles.
f) Appui à la structuration des organisations
professionnelles (OP)
Cette formation plus spécifique consiste
à renforcer les groupements de pmer exerçant
les mêmes métiers par des notions
de protection juridique, de marketing, de gestion
des achats (achat en commun de matières
premières ou autres biens de production).
Groupement de tresseuses : elles
se réunissent deux fois par semaine
Ces pmer sont ensuite organisées
au niveau des secteurs en groupements et Filières
de métiers, puis au niveau des districts
en Corps de métiers, et au niveau des provinces
en Fédération d'artisans, une Fédération
regroupant tous les artisans de la province (zone
PPPMER, mais aussi les districts hors zone d'intervention
du projet).
18 filières de métiers, renfermant
150 groupements ont été constitués,
ainsi qu'un Corps de métier au niveau de
chaque district (dans les 16 districts d'intervention
du Projet), et une Fédération d'artisans
dans chacune des 3 provinces où le projet
opère.
Les principales filières dans lesquelles
ont été regroupés les artisans
sont les suivantes:
- la menuiserie et sciage |
30 groupements |
- la couture et broderie |
28 groupements |
- vannerie, tricotage, etc. |
14 groupements |
- agro-alimentaire |
12 groupements |
- réparations |
12 groupements |
- apiculture |
10 groupements |
- le travail de l’argile |
8 groupements |
- le travail du cuir |
7 groupements |
- salon de beauté |
6 groupements |
- le travail du fer |
4 groupements |
g) Conseillers d’entreprise (CE)
Dans le cadre du désengagement
progressif et de l’appropriation des activités
du projet par les bénéficiaires
(les pmer et leurs OP), le projet a sélectionné
les membres des associations de pmer les plus
performantes pour encadrer les autres pmer. A
l'achèvement du projet, 70 conseillers
d'entreprise (30 à Byumba, 16 à
Umutara, et 24 à Ruhengeri) étaient
en place (voir 3.1 d) Formation à l’esprit
d’entreprise).
h) Information radio et documentation
La production et diffusion des
émissions de radio a commencé en
janvier 2000, la fréquence étant
d'une émission par semaine pour une durée
de 20 minutes. Thèmes traités :
les technologies, les métiers, produits
et services des pmer, les appuis divers offerts
aux pmer et leur impact sur les bénéficiaires,
la collaboration avec les partenaires techniques
et financiers, la gestion et la coordination des
activités des pmer, etc.
La radio a donné d’excellents résultats.
Son slogan - « Le PPMER au service du développement
rural » - est bien passé et il a
grandement facilité la diffusion des messages
du projet, l’organisation des réunions
et le tissage des premiers liens pour gagner,
peu à peu, la confiance des populations.
3 Analyse qualitative
Les motivations et les résultats
dépendent aussi du marché qui n’est
pas le même à Ruhengeri, à
Byumba ou Umutara… Cependant, il faut constater
la sensibilisation extraordinaire d'un milieu
individualiste, méfiant et plutôt
réticent vis-à-vis des interventions
extérieures.
a) Filières, Corps de métiers
et Fédérations (OP)
La loi prévoit le regroupement
des artisans en association par filières
au niveau des districts et leur organisation en
Corps de métiers représentés
par les Fédérations au niveau des
Provinces. Un Manuel de procédures pour
les organisations professionnelles a d’ailleurs
été élaboré par le
PPMER en tenant compte du Projet de loi sur l’Artisanat
du MINICOM.
Dans les bonne filières,
on paie des cotisations : 200 Frw par mois dans
une filière de couture de Ruhengeri, 100
Frw à Byumba dans la même filière
(ateliers soutenus par la Communauté des
Frères Chrétiens). Là où
il n’y a pas de cotisation, les moyens d’action
et la cohésion des filières sont
faibles !
Apprentie couturière de
Ruhengeri
Il y a eu seize (16) Corps de
métiers formés, un par district
touché par le projet. Certains Corps de
métiers sont dynamiques, mais les résultats
sont contrastés. Le Corps de métiers
d’Humure (Byumba) est particulièrement
actif : chacune de ses filières cotise
20.000 Frw par an, soit une somme de 180.000 Frw/an
pour les neuf filières. Au contraire, le
Corps de métiers de Bugarara (Umutara)
semble plus endormi : d’ailleurs, la cotisation
par filière n’y est que de 2.000
Frw/an… Sa caisse a néanmoins donné
208.000 Frw à la Fédération
d’Umutara pour la construction d’un
Hall.
Deux (2) Fédérations sont pour l’instant
reconnues :
- la Fédération
de Byumba qui fonctionne de manière approximative,
- celle de Ruhengeri, de loin
plus professionnelle, qui est dirigée
par un président et une vice-présidente
dynamiques.
Toutes les OP ne possèdent
pas de locaux (ils sont donnés par l’administration),
mais les Fédérations sont reconnues
par les Autorités provinciales et les OP
participent à la vie publique avec l’émergence
de leaders qui assurent leur pérennité.
Ces OP négocient des budgets
auprès des autorités des districts
comme le Corps des métiers de Ruhengeri
(6.000 artisans) ou celui d’Humure pour
obtenir des locaux ou même récupérer
les taxes perçues sur les marchés
pour financer la formation.
b) Une belle invention : le Conseiller d’entreprise
(CE)
Il y a partout une unanimité
sur l’utilité des Conseillers d’entreprises
(CE), mais il faudrait un CE pour 50 pmer car
ils sont trop peu nombreux, surtout en cette phase
de désengagement où ils assurent,
durant leur deux jours de travail hebdomadaire,
la formation des pmer – gestion, comptabilité,
crédit – et la sensibilisation des
OP.
Pour l’instant, ils sont
encore payés par le projet. Cependant,
il semble difficile de faire payer les pmer (Umutara).
Cependant, si les CE devenaient non seulement
des gestionnaires mais aussi des techniciens,
peut-être que les pmer seraient plus motivées
pour payer leurs services ? Surtout dans le secteur
productif où il y a un déficit en
technologie alors que la modernisation est primordiale
pour assurer la croissance des pmer. De plus,
si les CE deviennent plus compétents (en
particulier dans le domaine technique où
la demande est forte), ils seront plus faciles
à rentabiliser. |