Le livre
Typologie des entreprises et Success stories
Au Rwanda, environ 70% des entreprises
rurales sont individuelles et seules 7% sont associatives.
De même, les pmer n'ont pas les mêmes
caractéristiques selon qu'elles appartiennent
à la cible des activités de survie
(capital inférieur à 15.000 FRw),
à la cible des entreprises émergentes
(capital entre 15.000 et 150.000 FRw) ou à
la cible des entreprises en croissance (capital
entre 150.000 et 1,5 millions FRw). Cependant,
quelle que soit la taille de leur entreprise,
leurs patrons possèdent les traits de caractère
suivants : (i) la persévérance,
voire la ténacité face à
un marché difficile, (ii) la flexibilité
en fonction de contingences souvent imprévisibles,
(iii) des capacités minimales de management
même quand ils (elles) sont illettré(e)s.
Aide-toi, le ciel t’aidera est l’axiome
de base de ces micro et petits entrepreneurs au
masculin comme au féminin.
1 Typologie des micro entreprises rurales soutenues
Les pmer masculines sont les
plus nombreuses (73%), en particulier chez les
artisans. Il y a parfois des métiers traditionnels
qui s’héritent de père en
fils comme en Afrique Occidentale telles la cordonnerie,
la forge ou la poterie. Mais ces professions ne
sont pas réservées à des
« castés » et l’accès
en est relativement facile.
a) Artisanat d'art
Sculpture, tressage, vannerie...
Ce sont des activités irrégulières
dépendantes de la conjoncture. L'absence
de fonds de roulement se fait sentir après
la soudure quand les commandes arrivent. Elles
sont, cependant, très actives dans la zone
du parc des Volcans où beaucoup de touristes
viennent contempler les derniers gorilles.
Sculpteur de Gorilles
b) Artisanat de production
C'est un secteur dynamique mais
fragile car très concurrencé par
les importations en provenance de l’Ouganda,
du Kenya, de l’Asie ou même du secteur
moderne au Rwanda.
Menuiserie bois. 13,5% des pmer : on trouve de
la matière d'œuvre sur place, mais
il faut néanmoins acheter du contre-plaqué
et du bois au Congo. Le handicap principal est
le manque d'outils et de savoir-faire qui empêche
la fabrication de lits, chaises ou tables, tels
qu'on les voit en ville.
Soudure. 1% des pmer : les soudeurs sont parfois
des forgerons qui se sont modernisés. L'acquisition
d'un poste à souder coûte cher :
s'il faut acheter un groupe électrogène
par manque d’électricité,
la rentabilisation de l’équipement
est difficile.
Forgeage. 1,3 % des pmer : l'apprentissage est
long et l'approvisionnement en matière
d'œuvre souvent problématique. Les
forgerons fabriquent surtout des outils pour les
paysans, mais ils peuvent aussi faire des fourneaux,
des ustensiles de cuisine.
Cordonnerie. 3,2% des pmer : il y a une croissance
insuffisante de l'artisanat du cuir, une grande
partie des peaux étant exportée
en Ouganda. De plus, la technicité est
rudimentaire et les progrès technologiques
peu répandus.
Briqueterie. 3% des pmer: l’organisation
d’une multitude de producteurs concurrents
par le PPPMER dans la province de Ruhengeri a
abouti à l’augmentation du prix des
briques de 3Frw à 8Frw. Aujourd'hui, avec
les restrictions sévères de coupe
de bois pour des raisons écologiques, la
profession est en crise.
Producteurs de chaux. La situation est analogue
pour ces artisans qui se livraient une concurrence
sauvage. Les producteurs se sont organisés
et le prix du sac de chaux est passé de
300 Frw à 800 Frw jusqu' à ce que
le marché soit accaparé par les
fonctionnaires au détriment des artisans
.
c) Artisanat de service
Maçonnerie. 3% : les
maçons construisent souvent avec des briques,
un matériau local dont le coût de
transport peut être élevé.
Mécanique deux roues et réparations.
6,4% des pmer : les réparateurs de vélos
associent souvent une boutique de pièces
détachées à leur activité
; les services sont plus rémunérateurs
sur les « moteurs » que sur les vélos.
Couture, etc. 16% des pmer : les tailleurs subissent
une concurrence importante, entre autre de la
friperie. On observe l’apparition d’activités
nouvelles comme le tricotage, la broderie ou la
tapisserie. Notons le manque de machines pour
faire du faufilage (zig-zag) et le nombre élevé
de tailleurs par rapport à la taille du
marché.
d) Agro-alimentaire
Les femmes sont les plus actives
en ce domaine que ce soit en fabriquant de la
bière de banane ou de sorgho, du fromage,
de la confiture ou du pain. Elles travaillent
souvent à l’intérieur de groupements
remarquables par leur solidarité et leur
organisation. On notera dans ce domaine la transformation
des fruits, peu connue au Rwanda, que le PPPMER
s’est attaché à développer
en collaboration avec le CAPMER. Le manque d’hygiène
(pas ou peu de normes) ainsi que l’absence
ou le coût des emballages sont les contraintes
majeures dans ce type d’activité.
Le PPPMER a aussi soutenu l’apiculture,
l’aviculture, la culture des champignons,
qui sont des activités agricoles, mais
à forte valeur ajoutée.
Tricoteuse
e) Commerce
Le petit commerce est un segment
majeur du secteur informel et il est représenté
par 29% des pmer dont les femmes sur les marchés.
L’entrée y est facile et le capital
initial peu élevé. La plupart des
artisan(e)s commercialisent eux(elles)-mêmes
leur production.
2 Success stories
Souvent, quand ils réussissent,
les patrons de pmer exercent plusieurs métiers.
Plutôt que de se spécialiser dans
un seule activité, ils recherchent au contraire
un plus large éventail en exerçant
des activités complémentaires ou
différentes : certains menuisiers font
de la soudure quand d’autres ouvrent des
kiosques (petit commerce).
Ainsi, un forgeron/mécanicien a adjoint
un moulin à céréales à
côté de sa forge. Non seulement,
il peut s’occuper de l’entretien du
moulin, ce qui est souvent l’handicap principal
dans cette activité, mais il a triplé
ses revenus, le moulin rapportant le double de
sa forge (40.000 FRw/mois et 20.000 FRw/mois pour
sa forge).
a) Succès confirmés de petits
et micro entrepreneurs
Illustrons ces succès par une liste d'artisans
qui, bien sur, n'est pas limitative.
Menuisiers (Anastase et ses
collègues...)
Certains entrepreneurs inventifs
fabriquent leur propre matériel comme ce
menuisier de Byumba, Anastase, qui a fabriqué
ses tours et une sorte de combiné par imitation.
Il est connu jusque dans toute la province et
même dans l’Umutara car beaucoup de
menuisiers ont appris - gratuitement - chez lui
comment fabriquer leurs machines.
Beaucoup de menuisiers, souvent formés
dans des écoles spécialisées,
ont reçu des formations complémentaires
en comptabilité, esprit d’entreprise,
organisation :
- la plupart ont obtenu des
crédits (jusqu’à 400.000
Frw),
- leur marge brute est en moyenne
de 30%,
- leur bénéfice
a doublé depuis l’intervention
du PPPMER.
A Byumba, un menuisier a payé
le formateur qui lui a appris à fabriquer
des fauteuils modernes par la vente des fauteuils
en question... A Humure, un menuisier entreprenant
a ouvert un nouvel atelier : ses bénéfices
mensuels sont passés de 30.000 Frw à
70.000 Frw. C’est lui qui anime le Corps
des métiers particulièrement dynamique
du district.
Malgré les difficultés
de l’approvisionnement en bois que l’on
doit importer du Congo, cette profession semble
prospère.
Sculpteurs
Au pied du parc des Volcans,
un atelier comprend deux (2) sculpteurs de gorilles
et leurs deux apprentis. L'un des sculpteurs a
été formé par le PPMER et
l'autre par son grand-père, sculpteur traditionnel.
Leur boutique, qui vit du tourisme, semble prospère
et son gestionnaire recherche une formation complémentaire,
celle qu’il a reçu en gestion du
PPPMER étant insuffisante. Le PICG - programme
international de conservation des gorilles - est
très actif dans cette zone.
Couturière
Quelle bonne ambiance dans cet
atelier de Ruhengeri qui a démarré
avec deux apprenties et deux machines à
coudre au retour de Marguerite Muteteri de Goma
où elle a appris le métier ! Aujourd’hui,
l’atelier compte 14 machines et les éclats
de rire des apprenties (7) résonnent sous
sa surveillance bienveillante.
Le PPPMER a organisé des stages de couture
chez un Sénégalais et lui a permis
d’obtenir en 2002 un crédit de 1,25
million Frw de la Banque Populaire qu'elle a déjà
remboursé.
Marguerite est devenue aussi conseiller d’entreprise
(CE), présidente d’une filière
couture et vice-présidente de la Fédération
des artisans de la province de Ruhengeri.
Tapissière/Couturière
La belle tapissière de
Byumba travaille en étroite relation avec
la Communauté des Frères Chrétiens
qui lui a offert une aide non négligeable
: bâtiment, formation, équipement.
Elle est la présidente de deux filières
en couture et en tapisserie (cotisation de 100
Frw par mois/filière).
Le PPPMER a offert plusieurs formations en gestion/management
ainsi que des formations techniques en tapisserie
chez un artisan de Ruhengeri (deux semaines) et
en couture à Kigali. Elle a aussi obtenu
un crédit de 225.000 Frw sur 10 mois et
ses bénéfices mensuels sont passés
de 50.000 Frw à 100.000 Frw.
Tapissière
Artisane commerçante
Agnès est une propagandiste
du PPMER. Elle fabrique des produits artisanaux
(couture, tressage de feuilles de bananiers),
mais elle vend aussi les produits fabriqués
par d’autres artisanes (vannerie, broderie,
etc.).
Elle coud aussi des uniformes scolaires qui lui
rapportent beaucoup d’argent : 50.000 à
70.000 Frw pendant la rentrée des classes.
Elle a obtenu un crédit de 100.000 Frw
qu’elle a utilisé pour acheter des
tissus.
Boulangère
Madame Ulumwe Bekary habite UMUTARA
où elle a fondé sa boulangerie.
Elle utilisait en 2002 cinq (5) sacs de farine
par jour alors qu’aujourd’hui elle
en cuit 12, soit une augmentation de son chiffre
d’affaires de 140% en deux ans !
Elle a obtenu un crédit de 200.000 Frw
qui lui a permis de créer des dépôts
en ville alors qu’auparavant , la vente
de son pain était assurée par ses
enfants à bicyclette. En plus de ses 14
ouvriers, elle a engagé un technicien.
Aujourd’hui, à cause des problèmes
dus à la limitation de la consommation
du bois, elle projette d’acheter un four
électrique.
La boulangère et le petit
mitron
Guérisseuse/Accoucheuse
C’est une accoucheuse de
formation. Un crédit de 200.000 Frw procuré
par l’intermédiaire du PPPMER lui
a permis d’acheter des lits et de construire
des cases.
Elle soigne aussi avec des racines les femmes
comme les hommes (dont leurs éternels problèmes
de virilité…) et elle aimerait bénéficier
d’un voyage d’études pour rencontrer
d’autres guérisseurs.
Réparateur de vélos
C'est un immigré à Umutara en provenance
d’Ouganda qui a commencé avec 40
.000 Frw. Il répare des vélos et
vend en même temps des pièces détachées.
Aujourd’hui, son capital est de 350.000
Frw et il gagne 20.000/mois dans sa boutique et
30.000 Frw/mois avec les réparations.
Tableau de synthèse de quelques entreprises
enquêtées
Comptes mensuels |
Menuisier |
Apiculteur |
Tricoteuse |
Forgeron |
Fromagerie |
Boutique |
Investissements |
700000F |
125000F |
250000F |
140000F |
300000F |
225000F |
Chiffres d'affaires |
237500F |
40000F |
110000F |
72000F |
144000F |
185600F |
Coûts opérationnels |
95300F |
2000F |
68000F |
32000F |
89000F |
139500F |
Amortissements |
27778F |
5208F |
6944F |
2917F |
12500F |
15000F |
Main d'œuvre |
75000F |
7500F |
12000F |
12000F |
12500F |
10000F |
Excèdent brut (EBE) |
39422F |
25292F |
23056F |
25083F |
30000F |
21100F |
Au lieu du Bénéfice,
on a préféré utiliser un
indicateur plus adapté au secteur informel,
l’EBE ou Excédent Brut d’Exploitation,
hors frais financiers et impôts avec amortissement
simplifié .
b) Grandeur et décadence des associations
Les nombreuses associations rencontrées
sur le terrain ont montré l’intérêt
des artisans pour ces groupements qui leur permettent
de bénéficier d’un capital
plus élevé, d’un complément
technique, de synergies au niveau professionnel
ou, tout simplement, des commodités de
la vie communautaire… Ce mouvement associatif
des artisans, plus fort au Rwanda que dans d'autres
pays africains, a facilité l'organisation
des Filières, des Corps de métiers
et des Fédérations.
Les associations suivantes ont connu des success
stories :
Association KORA à Ruhengeri
Elle regroupe treize filières
(13), soit 260 personnes dont 32 groupements qui
travaillent ensemble et partagent souvent, par
filière, la même caisse et le même
équipement. Elle existait avant l'arrivée
du PPPMER et elle a servi de socle à son
action à Ruhengeri, y compris au niveau
de la mise en place de la mutuelle d'épargne
crédit pour les artisans. L'association
KORA, initiée par le BIT appuie les groupements
d’artisans pour :
- la formation,
- l’appui/conseil,
- l’accès aux micro
crédits,
- les garanties morales auprès
des banques,
- la commercialisation des produits
de ses membres.
Association « Top Fashion »
Ce sont des couturiers d’Umutara
qui ont apporté chacun leur machine sauf
l’un d’entre eux qui a investi du
capital. Ce dernier a aussi servi de garantie
auprès des Banques Populaires pour l'emprunt
de 350.000 FRw puis de 6 millions FRw pour construire
un nouvel atelier et acheter une machine à
broder Singer (coût : 2 millions Frw). L'association
connaît un succès commercial, néanmoins
la brodeuse Singer n'a pas pu être rentabilisee
sur le marché d'Umutara : elle a été
installée chez un associé à
Kigali.
Top Fashion
Association de cordonniers
Ces dix cordonniers de Byumba
travaillent individuellement sauf le samedi où
leurs bénéfices reviennent à
la caisse de l’association pour leur permettre
de remplacer leurs outils à tour de rôle.
Tressage de feuilles de bananiers
Cette association d'une dizaine
de personnes à Byumba gagne jusqu'à
100.000 Frw de bénéfices mensuels,
la matière première ne coûtant
presque rien !
Apiculteurs
La coopérative, qui produit
Le Miel des Gorilles (Ruhengeri), comprend 22
personnes. Elle a reçu l’aide de
plusieurs projets, dont le PICG, qui lui ont fourni
un matériel moderne difficile à
acquérir par d’autres apiculteurs,
même à crédit.
Le PPPMER a offert une formation technologique
supplémentaire y compris des voyages d’études
en Ouganda, à Kigali et à Butare
(centre artisanal financé par la GTZ).
Rappelons que les ruches les plus modernes produisent
25 kg tous les trois mois, soit trois fois et
demi plus que les ruches traditionnelles (7 kg).
Le chiffre d’affaire est de 100.000 Frw
mensuel dont 30% reviennent à la boutique
qui vend le miel (vente du kilo de miel : 2000
Frw).
Hélas, l’organisation
par le PPPMER de producteurs comme les briquetiers
ou les fabricants de chaux a connu un succès
plus éphémère.
Briquetiers
En les organisant pour qu’ils
augmentent leurs prix et stockent leurs marchandises,
le PPPMER était arrivé à
rentabiliser des pmer parvenues à la limite
de la survie à cause de leur concurrence
suicidaire ! Ainsi, les briquetiers avaient revu
à la hausse le prix de vente de leurs briques
(8 Frw au lieu de 3 FRw) alors qu’ils les
vendaient auparavant au-dessous de leur coût
de production car ils ne comptabilisaient pas
le coût du bois.
Néanmoins, les briquetiers connaissent
aujourd'hui de graves problèmes avec les
nouvelles régulations écologiques
du Gouvernement qui limitent l'utilisation du
bois pour protéger le déboisement
des collines.
Producteurs de chaux
De même, les fabricants
de chaux, qui vendaient un sac de 50 kg au prix
de 300 Frw, ont pu, grâce à leur
association, augmenter leur prix de vente jusqu'à
800 Frw. Auparavant, ils se faisaient une concurrence
effrénée allant jusqu’à
falsifier la composition de leur chaux pour pouvoir
maintenir des prix peu élevés. L’association
des fabricants de chaux a même construit
un lieu de stockage commun pour ses membres afin
de protéger leur production des intempéries.
Hélas, cette association a fait faillite
à cause de la concurrence déloyale
des fonctionnaires qui ont capté ce marché
juteux par le biais des Appels d'Offre. Aujourd'hui,
les artisans sont devenus leurs employés. |